Entretien de Rostane Hamdi (membre NABNI) Partie 1 – Cette Première partie est parue dans le cadre des publications ‘Nabni en toute Liberté » en partenariat avec le quotidien national Liberté.

Rostane Hamdi est membre fondateur de Nabni. Consultant international en Stratégie, Transformation et Digital depuis 17 ans, il est notamment intervenu auprès de ministères, agences et organismes publics sur des missions d’élaboration de stratégies nationales (politique sociale, TIC et digitale, modernisation de l’administration), de renforcement de capacité, d’élaboration et mise en œuvre de modèles et feuilles de route opérationnels.
  1. Une équipe de travail pilotée par le ministère du commerce regroupant différents acteurs est chargée de réfléchir sur une nouvelle feuille de route pour dynamiser les exportations hors hydrocarbures…Que leur proposeriez-vous ?

Le point de départ est de structurer la mise en place de cette feuille de route. A savoir :

  • Quelle est la situation actuelle en termes d’exportations (solde commercial avec chaque pays, zone géographique, selon chaque traité commercial signé et évolution de ce solde sur les 5 dernières années avec le détail par type d’industrie et de produit) ;
  • Une mise en cohérence par rapport à la SNI (Stratégie Nationale Industrielle) et impliquant une mise à niveau des infrastructures portuaires et aéroportuaires (zones de fret, logistique permettant de répondre aux exigences en terme de qualité de gestion et de rapidité d’expédition) : sans ces liens essentiels ce sera une feuille de route « hors sol » qui sera mise en place;
  • Une analyse des secteurs porteurs selon les pays d’exportation (via les antennes économiques de nos représentations diplomatiques).

Ces 3 premiers points sont chronophages et il est absolument nécessaire de prendre le temps de récupérer ces informations avant de commencer à réfléchir à l’élaboration de cette feuille de route.

2- Quelles seraient les principales composantes de cette feuille de route ?

Et nous pourrons, alors, poser les fondamentaux en répondant aux questions suivantes :

a) Quels sont les 4 ou 5 enjeux  que l’on veut pour l’Algérie à 10 -15 ans ?

Il s’agit de définir des enjeux de haut niveau pour l’Algérie. Par exemple 3 ou 4 enjeux clés[1] : enjeu de diversification de l’économie, enjeu de développement socio-économique, enjeu de représentativité de l’Algérie à l’international, enjeu de création de pôle(s) d’excellence.

b) A quelle ambition ou par rapport à quelle vision cette feuille de route doit-elle répondre[2]?

Par exemple : la vision peut être : « Porter le développement de l’Algérie à l’international afin d’être leader régional dans 2 à 3 industries » ou, comme l’avait proposé Nabni dans le rapport Nabni 2020, « Part des exportations hors-hydrocarbures proche de 4% en 2020, 9% en 2025 et 20% en 2030 ». Cette ambition doit être ensuite déclinée en 3 à 4 objectifs stratégiques.

c) Quels sont les piliers ou axes stratégiques sur lesquels s’appuiera cette feuille de route ?

Par exemple : 2 ou 3 secteurs et produits/services prioritaires, 7 à 10 pays vers lesquels orienter nos efforts (1 ou 2 en Europe, 3 à 4 en Afrique, 1 à 2 en Asie et 1 à 2 en Amérique), 4 ou 5 mesures (sectorielles, réglementaires et institutionnelles) d’accompagnement des entreprises à l’export. Il s’agit, au lancement de la feuille de route de concentrer nos efforts d’exportation sur des zones, pays clairement délimités et des mesures d’accompagnement ciblés. Car il y aura nécessairement des ajustements et évolutions à prendre en compte avant de vouloir étendre cette feuille de route de manière plus globale.

d) Quels sont les programmes à décliner en actions pour opérationnaliser cette feuille de route ?

Il est question d’approfondir les points a) à c) en une dizaine de programmes sectoriels et transverses opérationnalisés en actions concrètes[3] en déterminant quels sont les indicateurs à atteindre à 3, 5, 10 ans, comment les décliner en plans régionaux, en s’appuyant sur quels renforcements des systèmes incitatifs et en s’appuyant sur quels prérequis en termes de réformes et évolutions des réglementations.

Et tout cela devra être intégré dans la mise à niveau de la gouvernance afin de préciser les rôles et responsabilités de chacun des acteurs.

  1. Quels sont les secteurs/domaines dans lesquels l’Algérie possède un potentiel à l’export ?

Après ce que nous venons de partager, il serait présomptueux de lister de manière définitive des secteurs ou domaines. Nous avons de réelles capacités en terme d’assets pour initier des exportations importantes, tant au niveau des productions nationales, qu’au niveau de secteurs matures ou en devenir. Aujourd’hui, nous pouvons citer les industries pharmaceutiques et agroalimentaires, ainsi que le secteur agricole. De la production de tomates aux agrumes et autres fruits, en passant par les pâtes, l’huile et les boissons auxquels nous pouvons ajouter les industries d’électroménagers et de montage automobile, nous disposons de groupes qui ont, à court-moyen terme, la capacité d’exporter encore plus leurs productions. Nous pouvons citer Cevital, Rouiba, SIM, Benamor, Condor, Saidal, Mercedes Benz. Et bien d’autres !

  • Voici quelques chiffres : l’Algérie est dans le Top 10 mondial pour la production de figue (3ème), d’abricots (4ème), de dattes (5ème), de melons (7ème), d’artichauts (8ème) et d’amandes (9ème). Notre pays est 14ème producteur mondial de pomme de terre et 19ème de tomate.
  • Par ailleurs, pour zoomer sur un exemple concret, nous avons dépassé le Maroc en termes de production d’oranges depuis 3 années (avec plus de 10 millions de tonnes par an depuis 2015 et une production record de 13 millions de tonnes d’agrumes en 2016) : nous avons multiplié par 3 la production en moins de 15 ans! Mais à production et population quasi-équivalentes, le Maroc est exportateur d’oranges et l’Algérie importateur d’oranges.

Même si l’Algérie est un vaste territoire, elle est loin d’avoir l’agriculture la plus mécanisée ou la plus productive. Et pourtant il y a des algériens et algériennes qui travaillent dur et qui obtiennent de très bons résultats. C’est important de le rappeler et d’en être fiers!

Le potentiel à l’export dépend de 3 principaux facteurs. Le premier facteur, que nous maitrisons directement, est de savoir quelles seraient les industries mûres et prêtes pour l’export. Les 2 autres facteurs, que nous ne pouvons pas maitriser directement, sont les tendances des marchés potentiels à l’export et les fluctuations de taux de change…

Afin d’évaluer le potentiel algérien à l’export, une concertation doit être menée avec les principaux acteurs (ministères, associations patronales et syndicales, acteurs des différentes industries) et indirects (banques et Banque centrale….). Enfin, pour promouvoir les exportations, il est nécessaire que les agents économiques bénéficient d’un ensemble de dispositifs et accompagnements favorisant l’exportation de leurs produits. Notamment vers l’Afrique Sub-saharienne.

[1] Ces enjeux peuvent être des enjeux transverses partagés avec d’autres feuilles de route ou Stratégies Nationales

[2] Pour exemple, l’ambition du plan « Maroc Export + » était : « Promouvoir l’efficacité opérationnelle en triplant à terme le volume des exportations de biens et services « 

[3] Nous avons proposé, dans le cadre du rapport Nabni 2012, quelques mesures concrètes (mesures n°5, 19, 32, 33 et 46) et quelques chantiers dans le cadre du rapport Nabni 2020 ( Chantiers n° 5, n°8 et notamment les chantiers n° 9 et 10)