Chantier N° 13 : Refonte du rôle de l’Etat actionnaire et régulateur

Reformuler de manière fondamentale le rôle de l’Etat actionnaire (entreprises publiques, banques publiques, foncier et réseaux d’infrastructure) afin de réduire la dépendance de ces outils de développement économique du pouvoir politique et des interférences, d’en augmenter l’efficacité (par une politique salariale et politique d’incitations similaire à celle d’entreprises privées), et d’en rapprocher le fonctionnement du privé, en éliminant toute forme de discrimination, de protection ou de contraintes spécifiques face à la concurrence privée. Dans ce sens, l’ouverture en Bourse, de façon même partielle, des sociétés commerciales aujourd’hui étatiques constituera un outil privilégié favorisant la réforme de la gouvernance des entreprises étatiques. Le rôle de régulateur de l’Etat sera également renforcé pour amener les agences de régulation existantes aux standards internationaux en termes de capacité, d’indépendance et de pouvoir d’intervention, notamment les agences de régulation sectorielles et le Conseil de la Concurrence.

 

1.  Réforme de l’Etat actionnaire et acteur économique :

Accorder toute l’autonomie de gestion aux entreprises et banques publiques de façon conforme aux principes de gouvernance des entreprises étatiques et en rapprochant leur mode de fonctionnement du secteur privé.

  • dépénaliser entièrement l’acte de gestion ;
  • abroger les textes imposant des contraintes spécifiques aux entreprises publiques auxquels leurs concurrents privés ne sont pas soumis (ex. financement exclusif auprès de banques publiques, code des marchés publics pour les achats, limites au recrutement de cabinets de conseil nationaux et internationaux, etc.) ;
  • rendre aux conseils d’administration et gestionnaires la liberté en matière de ressources humaines (recrutement, licenciements), de politique salariale et d’incitation (mise en place d’intéressement de tous les salariés aux performances de l’entreprise), d’investissement, de mode de financement, d’orientation stratégique et de développement, y compris de propositions pour l’ouverture du capital de sa société, de partenariats stratégiques, etc. ;
  • recruter des DG et des cadres avec une expérience prouvée, soit au sein de l’entreprise, soit à l’extérieur, y compris dans le privé voire des étrangers avec des contrats de performances pour le mangement de l’entreprise (rémunération indexée sur des indicateurs de performance clé). Un pilote pourra être conduit sur 5 entreprises publiques de taille significative avec des PDG issus du secteur privé, liés, ainsi que le top management, par des contrats de performances à l’entreprise ;
  • rendre obligatoire pour toutes les entreprises publiques de présenter dans l’année un plan de développement stratégique chiffré ;
  • rendre obligatoire la gestion de la performance au sein des organismes étatiques au travers d’un intéressement des salariés aux performances de l’entreprise, mais aussi un management par les objectifs à l’échelle individuelle ; La cotation des entreprises étatiques en Bourse, permettra notamment d’intéresser le management à l’augmentation de la valeur de la société.
  • accroitre la transparence dans la gestion des entreprises publiques par la publication des comptes, la rédaction d’un rapport annuel, le calcul des aides financières diverses apportées par l’Etat et la rencontre avec des analystes financiers pour les sociétés cotées ;
  • reprendre la politique de privatisation ou de partenariats avec des entreprises étrangères par le biais d’une agence étatique en charge de la privatisation fonctionnant comme un fonds de Private equity soumis à des impératifs de gestion de portefeuilles et de rentabilité ou de contrats de plan avec les ministères de tutelle.
  • revoir la composition des organismes de gouvernance des entreprises publiques et normaliser l’intervention de l’Etat actionnaire :
    • revoir la composition et le rôle des conseils d’administration des SPA publiques et des banques publiques
      • une composition moins politique et plus proche du marché : un tiers des sièges reviendront à des administrateurs indépendants issus du secteur privé et un tiers à des administrateurs ne travaillant pas dans les ministères de tutelle ;
      • les hauts cadres de l’entreprise seront nommés par le conseil d’administration sur proposition des Président du CA et il sera mis fin aux nominations par décrets présidentiels;
      • soumettre les décisions importantes de l’entreprise (investissements, entrée dans un nouveau marché, ouverture du capital) à l’approbation du Conseil d’administration de l’entreprise, après avis des comités du CA ;
  • Pour les grandes entreprises publiques et les banques publiques, 2 sièges du conseil d’administration seront réservés pour la participation de députés de l’APN (dont un siège pour un député de l’opposition). Suivant le modèle adopté en Suède, les entreprises et banques publiques seront tenues d’informer l’APN des dates de réunion de leurs conseils d’administration. Les députés qui souhaiteront y assister (en personne ou par délégation à un expert mandaté), devront simplement notifier le secrétariat du Conseil au plus tard 24 heures avant le début de la réunion. Les participants au Conseil y siègeront en tant qu’observateurs (sans droit de vote ou de délibération) mais auront accès aux documents discutés au Conseil;
  • Supprimer toute forme d’intervention directe des ministres dans la gestion des entreprises puisque l’Etat est déjà représenté au conseil d’administration par le biais des administrateurs qu’il a nommé pour approuver les grandes décisions de l’entreprise ;
  • Mettre en place des comités de rémunération et d’audit avec des administrateurs indépendants ainsi que des comités stratégiques et exécutifs pour favoriser la collégialité de la gestion ;
  • En contrepartie, il sera mis fin à la garantie du plein emploi de fait dans le secteur public: en cas de détresse de l’entreprise ou de restructuration, un plan de licenciement économique sera mis en place, qui affectera notamment le top management;
  • Remplacer les SGP par une agence des Participations de l’Etat. L’Agence des Participations de l’Etat remplacera les SGP et sera détentrice de leurs portefeuilles d’entreprises publiques. Elle fonctionnera comme un fond de capital risque et aura un rôle complémentaire au FNI (Fonds National d’Investissement), dédié aux investissements stratégiques. Plus précisément, la mesure consiste à :
    • renforcer les compétences humaines de cette agence en recrutant de nouveaux profils, si possible avec une expérience internationale (y compris étrangers), ce qui suppose une totale liberté en matière de rémunération ;
    • aligner les processus de l’Agence sur ceux d’une société de capital-risque : comité d’investissements ; administrateurs externes ; appels à des expertises extérieures (juristes, experts industriels pour juger de la valeur des actifs industriels des entreprises) ; approbation des plans de développement stratégique des entreprises du portefeuille ; choix du mode de sortie du portefeuille (ouverture du capital en Bourse ou a des partenaires stratégiques) et plan d’exécution ;
    •  conduire les restructurations nécessaires (ex groupement GICA de cimenteries publiques): faire appel à des financements de marché dans la mesure du possible  et accompagner les entreprises du portefeuille dans la mise en place des incitations en matière de politique salariale, d’autonomie de gestion et de discipline du marché ;
    • renforcer l’autonomie de décision en matière de privatisation encadrée par des contrats d’objectifs avec l’Etat : seuils élevés pour le passage en CPE ; processus transparent d’introduction en Bourse ou privatisation partielle ou totale.
    • rattacher cette agence au Ministère des finances qui siégera au sein de son conseil d’administration pour lui donner un poids important.

 

2.  Réforme de la régulation sectorielle :

  • Revoir l’indépendance et le périmètre des autorités de régulation sectorielles, renforcer l’indépendance des régulateurs sous ses différentes formes :
    • indépendance de décision: pas de tutelle administrative des ministères (prise de décision sans soumission au Ministre) et limitation des interférences politiques : les interférences politiques sont nombreuses (télécommunications, énergie etc.) ;
    • indépendance des membres du Collège: nomination des membres du Collège par plusieurs sources de pouvoir (Présidents de la république, de l’APN, du Conseil de la Nation, etc.) pour un seul mandat avec inamovibilité : pas le cas.
    • indépendance financière: le mode de financement indépendant du pouvoir exécutif (prélèvement sur le chiffre d’affaires du secteur) et à un niveau suffisant (recrutement, recours a des expertises externes) est assure, mais le budget n’est pas adopté par le Parlement (adoption par le ministre pour la CREG) ;
    • indépendance dans le recrutement: liberté de recrutement des fonctionnaires et non fonctionnaires (déjà le cas) avec des rémunérations permettant d’attirer des compétences expérimentées (à améliorer) ;
    • liberté de publier ses avis: limitée aujourd’hui.
  • Revoir le périmètre d’action des autorités de régulation sectorielle et renforcer leur indépendance :
    • Ne soumettre à licence ou cahier des charges qu’un périmètre restreint d’acteurs, là où il y a monopole naturel ou utilisation de ressources rares. Régime d’autorisation générale proche du droit commercial commun pour le reste (ni licences, ni cahier des charges), notamment les fournisseurs de services (ex: ne pas soumettre les call centers, les datacenters, les fournisseurs d’accès a Internet, les fournisseurs de services à valeur ajoutée téléphoniques), avec contrôle par le Conseil de la concurrence.
    • En contrepartie, les Autorités de régulation auront à rendre des comptes au Parlement qui aura à évaluer leur performance par le biais de la présentation d’un bilan d’activité et de la fourniture d’informations détaillées sur leur action

 

3.  Régulation de la concurrence :

  • Réformer le Conseil de la concurrence, en le transformant en autorité administrative indépendante libérée de la tutelle du ministère du commerce, et disposant de:
    • l’indépendance de décision: personnalité morale et autonomie de décision ;
    • l’indépendance financière: un budget voté par le Parlement ;
    • l’indépendance des membres du Conseil exécutif : mandat de 5 ou 6 ans non renouvelable et inamovible (sauf procédure judiciaire), et rend compte directement au président ;
    • l’indépendance par la qualité et la crédibilité du travail: Conseil exécutif doit être équilibré entre fonctionnaires, experts juridiques et économiques, associations de consommateurs, secteur privé.
  • renforcer les pouvoirs du Conseil de la concurrence : pouvoir d’auto saisine ; pouvoir de sanction financière ; pouvoirs d’investigation (collaboration avec la DCP) ; droit d’émettre des avis sur les politiques gouvernementales qui pourraient réduire la concurrence.
  • octroyer au Conseil de la concurrence la liberté de recrutement, y compris des experts non fonctionnaires, ou des juristes et des économistes.
  • Elargir son périmètre d’action :
    • à la régulation des comportements de l’ensemble des marches de biens et services, a l’exception des marchés où existent des monopoles naturels ou des oligopoles dus a l’exploitation de ressources rares (abus de position dominante, contrôle des ententes) ;
    •  au contrôle des fusions et acquisitions, avec notamment le droit de bloquer une fusion qui mettrait un nouveau groupe en position dominante.
    • lui permettre d’élaborer sa propre doctrine, conforme aux avancées de la théorie et de la pratique de l’économie et du droit de la concurrence.