Chantier N° 08 : Nouvelle Politique Industrielle

Développer une politique industrielle basée sur une approche nouvelle et transparente, qui s’appuie sur un ensemble d’interventions gérées par une seule Agence du Développement Industriel et de la Compétitivité qui englobera toutes les institutions existantes. Cette stratégie industrielle soutiendra les secteurs émergeants, notamment dans les domaines où l’Algérie dispose d’avantages comparatifs ou de base industrielle valorisable ; les secteurs pourvoyeurs d’emplois ; ainsi que les entreprises innovantes. Il s’agira de dissoudre toutes les institutions actuelles de soutien aux entreprises et développer une politique industrielle basée sur une approche nouvelle et transparente, qui s’appuie sur un ensemble d’interventions logées dans une seule Agence de Développement Industriel et de la Compétitivité.

 

La nouvelle politique industrielle proposée repose sur trois piliers:

 

1. Les politiques sectorielles :

Cette dimension « sectorielle » qui consiste à identifier, selon des critères transparents qui restent à définir, des secteurs/technologies dont la collectivité peut tirer des bénéfices plus importants (à la fois à court et long terme). L’identification des secteurs/technologies clés se fera sur la base d’un certain nombre de critères :

  • Ceux pour lesquels l’économie algérienne dispose d’un avantage comparatif révélé (du fait des dotations factorielles etc.)
  • Dans le domaine des TIC, la stratégie sectorielle sera adossée à un nouveau plan d’E-administration et de m-administration afin que les applications informatiques à développer ainsi que les services associés (pour les administrations, les collectivités locales et toutes les institutions publiques, banques, entreprises, services publiques, écoles, hôpitaux, etc.) puissent appuyer le développement d’une industrie nationale des TIC, autour de quelques acteurs de dimension internationale qui devront être attirés en Algérie.
  • Ceux qui ont un potentiel important en termes de création d’emplois, tels que le tourisme, les services (services de santé, services de proximité), la distribution, la franchise des marques internationales et le développement de marques algériennes, les services d’offshoring que ce soit dans le BPO (business process outsourcing) ciblant la délocalisation de certaines industries de services aux entreprises, européennes en particulier, des centres d’appels aux services comptables, de facturation, ainsi que le développement d’applications informatiques) ou le KPO (knowledge process outsourcing) ciblant des métiers comme les études de marché, les études d’investissement, les analyses comptables et financières, les études d’ingénierie, les études pharmaceutiques et légales préliminaires), l’artisanat.
  • Ceux qui ont un effet d’entraînement important sur l’économie ou des externalités positives importantes, tels que les technologies de l’environnement (dans la construction notamment, pour favoriser l’efficacité énergétique et les technologies préservant l’environnement), les TIC, la transformation agroalimentaire (notamment pour son effet d’entraînement sur la productivité et l’intensification de l’agriculture), ou le BTPH.

Pour chaque secteur prioritaire identifié, seront définies des stratégies sectorielles qui mettront en place:

  • Une politique de ciblage des groupes internationaux leaders des secteurs en question, pour les attirer et générer des clusters ou pôles sectoriels de compétitivité autour d’acteurs de taille internationale. Selon le potentiel d’entraînement de ces IDE stratégiques, l’Etat pourra accorder des subventions sur l’investissement, le coût du travail (charge sociales en particulier), l’infrastructure d’accueil ou les besoins de formation de ces firmes. Ces pôles pourront, dans un premier temps, être organisés autour d’entreprises nationales de taille significative.
  • Des plans de formation en partenariat avec le secteur privé (mastères spécialisées, modules de formation professionnels, cycles courts spécialisés, politique de stages et de formation en alternance pour rapprocher les instituts des entreprises (voir les chantiers du thème de la formation qui développent ces aspects plus en détail). L’objectif sera d’impliquer les entreprises du secteur dans la définition des compétences et des besoins du marché, afin de développer une offre de formation professionnelle ou spécialisée adaptée.
  • Des instruments de garantie de financement bancaire spécifiques aux besoins du secteur, notamment dans les services, ou pour financer l’innovation ou l’entrée sur de nouveaux marchés d’exportation. Des fonds d’investissement dédiés à certains secteurs pourront être attirés par des garanties de l’Etat pour les premiers investissements.
  • Des subventions pour favoriser les exportations, l’innovation et l’investissement dans de nouveaux secteurs (subventions limitées dans le temps, favorisant les premiers entrants et basées sur des résultats mesurables et transparents, tels que le niveau des exportations).
  • Des réformes légales et réglementaires spécifiques à chaque filière (ex. Open Sky pour augmenter l’offre de transport aérien pour développer le tourisme, législation sur l’ouverture des services à la concurrence, cadre légal et réglementaire de la franchise et de l’offshoring, etc.).
  • L’aménagement d’espaces d’accueil spécialisés selon les secteurs, en concession avec des opérateurs privés: bureaux aménagés avec infrastructure de télécommunication à bas prix pour les secteurs des TIC ; foncier industriel aménagé ; immobilier d’affaires pré-aménagé et mis en concession à des opérateurs privés pour la gestion et la maintenance. ; etc.

 

Mettre en place les conditions de développement de l’offshoring et des entreprises de TIC :

  • mettre en application le statut de sociétés d’édition de logiciels (la loi de 2004) ;
  • soutenir de manière multiforme les activités d’offshoring (accès aux avantages de l’ANDI et extension de ces avantages à la période d’exploitation en plus de la période de réalisation ; exonérations fiscales durant les 5 premières années d’activité (extension du dispositif ANSEJ); abattement sur les charges sociales des nouveaux salariés dans le cadre du DAIP ainsi que pour les salariés existants ; application du décret sur l’exonération de TVA des sociétés de logiciels ;
  • mettre à disposition des infrastructures d’hébergement au sein de zones d’affaires (bureaux avec plateformes adaptées, services aux entreprises, facilités de restauration, de transport et d’hôtellerie), à des loyers et des coûts télécom avantageux, afin de compenser le niveau défavorable des loyers en Algérie par rapport aux concurrents (qui offrent des loyers de 25 à 40% inférieurs), en commençant par le cyber parc de Sidi-Abdallah (et, dès qu’ils seront ouverts, dans les parcs d’Oran et de Annaba) ;
  • mettre en place un guichet unique au sein du cyber parc de Sidi Abdellah pour tous les services administratifs (et à terme dans les futures zones) ;
  • développer des offres bancaires adaptées à l’activité d’offshoring: mise en place d’un mécanisme de caution bancaire vis-à-vis des donneurs d’ordre étrangers garantissant le retour d’avance (cas des marchés de réception d’appels) ; domiciliation des contrats/factures (spécialement pour la réception d’avance) ;
  • faciliter l’exportation de services par des mesures complémentaires à  l’exonération de TVA du chiffre d’affaires réalisé en « exportation de service » et l’affranchissement d’IBS : facilitation de l’installation de bureaux de liaisons dans les pays partenaires ; extension de la domiciliation des frais de mission aux sociétés de moins de 30 salaries prospectant à l’étranger ; dérogations pour le rapatriement de dividendes ; extension des produits de l’ALGEX à l’exportation de services;
  • développer au sein des cyber parcs, en commençant par Sidi Abdellah, d’une offre de services de télécommunications de standard international à des tarifs compétitifs afin de maintenir un coût de production horaire compétitif par rapport aux pays concurrents  (liaisons spécialisées locales, liaisons louées internationales (voix, data, trafic IP), etc.): remises supérieures aux 15% sur les liaisons louées nationales et 30% pour les liaisons louées internationales par rapport aux tarifs de détail fournies par Algérie Telecom ;  mise en place de SLAs sur les liaisons louées fournies conformes aux normes internationales (Garantie de Temps de Rétablissement de 4 heures – à réduire progressivement – taux de disponibilité de 0.04% en cours d’année) ; autorisation d’achat de minutes à l’international auprès des opérateurs algériens ou internationaux ; contrôle du conseil de la concurrence sur les pratiques de prix prédateurs (ventes au dessous des coûts) qui ont considérablement affaibli le secteur;
  • les centres d’appels, notamment les entreprises existantes, seront soutenus par : (i) la suppression du cahier des charges de l’ARPT et leur retour au droit commercial commun ; (ii) le développement de cycles cours de formation qualifiante pour les activités de téléopérateurs et télévendeurs (contractualisation auprès d’organismes de formation spécialisés dans le domaine) ; (iii) participation, via l’ALGEX, aux salons spécialisés (SECA – services et technologies, Cebit – technologies, SICCAM au Maroc, Vocalcom en Tunisie) ; prise en charge d’une partie du coût de la labellisation ISO 9014.

 

2.  Les mesures transversales de soutien au développement de l’investissement et des entreprises :

 

La dimension « transversale » de la Nouvelle Politique Industrielle vise à développer le tissu productif, sans cibler aucun secteur/entreprise en particulier. Il s’agira de :

  • Adopter une stratégie ambitieuse d’attraction des IDE dans tous les secteurs[1], par :
    • la suppression des contraintes existantes à l’investissement étranger :
      • abolir la règle dite du 49/51 limitant la part de l’actionnariat étranger dans les IDE (en dehors d’une liste restrictive de secteurs comme l’énergie, les mines ou d’autres secteurs stratégiques, sensibles ou bénéficiant de rentes naturelles). L’exigence de maintenir une « balance devises positive » pour les investissements étrangers (LFC 2009)  sera également abrogée;
      • éliminer l’obligation de passage au CNI de tout investissement étranger, sauf pour les investissements stratégiques (secteurs, taille à définir) ou les demandes d’exonérations fiscales ou autres avantages, passer à une fréquence mensuelle pour les réunions du CNI et institutionnaliser un comité public-privé au sein du CNI pour réduire les contraintes de l’environnement des affaires ;
      • suppression des contraintes au rapatriement de dividendes et de paiement de royalties, inclus pour les activités de services, de grande distribution et de franchise ;
      • mettre en place un cadre réglementaire favorable au développement de la franchise : (i) la mise en place d’un statut spécifique du franchisé et d’un environnement réglementaire et juridique favorable à la conclusion de contrats entre grandes enseignes et franchisés algériens (relation contractuelle, protection des franchiseurs) ; (ii) la levée de la soumission à l’autorisation préalable de la Banque d’Algérie du rapatriement des royalties, qui permettra au pays de se conformer à ses engagements en matière de protection des redevances de marque, licences ou royalties ; (iii) un traitement administratif rapide, favorable au développement des réseaux de franchise (approbation rapide de l’ouverture de nouveaux magasins) et levée de l’obligation d’obtenir une nouvelle autorisation dans chaque Wilaya ; (iv) la facilitation des opérations douanières sur les biens importés dans le cadre de la relation de franchiseur – franchisé : accès au couloir vert pour les franchisés des grandes enseignes nationales ou internationales (en plus du rétablissement des moyens de paiements internationaux usuels en plus du seul crédit documentaire);
      • mettre en place un cadre réglementaire favorable à l’implantation de grandes enseignes nationales ou internationales de la grande distribution : (i) mettre à disposition des assiettes foncières aménagées dans des emplacements de qualité (proximité des voies de transport, stationnement, etc.) ; (ii) mettre en place, au sein de l’ANDI, une équipe dédiée à la grande distribution qui serait l’interlocuteur unique pour ces grands projets ; (iii)ouvrir la possibilité d’accéder directement au marché monétaire pour pouvoir effectuer des placements rémunérés de liquidités sur le court-terme ; (iv) le développement de plateformes logistiques, le rétablissement des activités de cabotage maritime pour le transport de marchandises, et l’amélioration du cadre juridique et la professionnalisation du métier de transport de marchandise pour compte;
      • abrogation de l’obligation de « balance en devises positive », qui est inapplicable dans sa forme actuelle et qui représente un risque d’application arbitraire.
  • la facilitation du recrutement et d’établissement de personnel qualifié étranger (permis de travail, imposition dans le pays d’origine, etc.). Permettre aux Algériens non-résidents travaillant sur contrat d’expatriation de rapatrier 90% de leurs salaires perçus en Algérie, comme leurs collègues étrangers ;
  • mise en place d’un portail multilingue à destination des investisseurs étrangers, qui inclut toutes les procédures et réglementations en vigueur ;
  • mise en place d’une cellule en charge de l’accueil et de l’appui administratif aux investisseurs étrangers ;

abattements fiscaux sur les bénéfices rapatriés des IDE opérant dans des secteurs à haute technologie, ou s’approvisionnant en majorité au sein du tissu industriel local, ou sous-traitant une partie-significative auprès d’entreprises algériennes.

  • Soutenir l’innovation et l’acquisition de technologies par :[2]
    • l’exonération des charges sociales sur les salaires des ingénieurs de recherche et développement ;
    • la convertibilité totale du dinar, sans autorisation préalable, pour l’importation de services dédiés à la recherche et au développement, ainsi qu’à l’adoption de technologies nouvelles ;
    • Renforcer le contrôle de la qualité des produits, de la lutte contre la contrefaçon et de la protection de la propriété intellectuelle. Sous-traiter le contrôle qualité et la certification de toutes les catégories de produits (alimentation, construction, métrologie, chimie, métallurgie, etc.) à des opérateurs agréés, nationaux et internationaux;
    • Mettre en place un cadre permettant aux universités et instituts de recherche de développer des projets au service des entreprises, sur financement privé.
    • Assurer un meilleur financement de l’innovation et créer les conditions de développement d’entreprises innovantes.
      • Définir un statut d’entreprise innovante (critères de recherche, comme la part des salaires des chercheurs, critère d’innovation du produit etc.)
      • Créer un équivalent SBIDA[1] (Small Business Innovation Development Act) et un SBIC[2](Small Business Investment Company)
      • Impliquer le capital-risque : créer le cadre légal pour le financement d’entreprises innovantes, avec une fiscalité avantageuse pour les capitaux « risqueurs » (quelle que soit leur nationalité)
      • Renforcer les moyens des incubateurs d’entreprises dans les pôles technologiques, notamment les moyens humains
      • Créer des fonds d’investissement technologiques régionaux qui auront une garantie de l’Etat et draineront une partie de l’épargne locale vers le financement d’entreprises innovantes (avec une fiscalité avantageuse pour les épargnants).


[1] Créé en 1982 par le Small Business Innovation Development Act, le programme SBIR vise à soutenir l’innovation dans les PME/PMI (moins de 500 personnes) par le biais de subventions versées par dix grandes agences de recherche fédérales.

[2] Les Small Business Investment Companies ont été créées en 1958 par le Congrès Américain pour financer le démarrage ou la croissance des PME/PMI. Les SBIC sont des sociétés d’investissement privées à but lucratif offrant des participations en capital ou des prêts à long terme à des petites entreprises en phase de croissance (ayant une valeur nette inférieure à $18 millions et un bénéfice de moins de $6 millions).

  • Soutenir le développement des petites et micro-entreprises, par :
  • création d’un statut de micro-entrepreneur pour les entreprises de moins de 5 employés, ouvrant le droit à des procédures très simplifiées (système déclaratif, pas d’obligation d’avoir un local au moment de la création d’entreprises, pas de capital social minimum requis, etc.), à un régime fiscal simplifié et à des produits de garantie bancaires dédiés (voir chantier 12 sur la résorption de l’informel).
  • Créer une véritable institution de micro finance dans les standards internationaux qui accompagnerait les micro-entreprises (y compris informelles) vers les circuits bancaires et qui concentrerait son activité plutôt sur le financement du fonds de roulement (responsable de la disparition de 90% des micro-entreprises créées) que de la création.
  • Renforcer l’effet d’entraînement des dépenses publiquessur l’économie nationale, par :
    • la réforme du système de paiement pour réduire les délais de paiement aux entreprises sur les factures des contrats publics. Il s’agira d’établir un délai contractuel maximum de 60 jours pour les paiements des contrats entre entreprises et l’Etat, les administrations et les collectivités locales ;
    • des incitations au découpage des marchés publics en plus petits lots  afin que les PME puissent y répondre ;
    • la réservation d’une part (20%) de la commande publique des collectivités locales et des ministères aux petites entreprises de moins de 20 employés  (par exemple pour les commandes de TIC), qui bénéficieront d’une prime de coût de 10% dans les appels d’offre publics ;
    • des incitations, pour les grands contrats publics octroyés à des groupes internationaux, de former à la maitrise d’ouvrage des experts algériens et de prévoir un plan de sous-traitance majeur de leurs activités dans le cadre de l’exécution du contrat ;
    • la réduction des dépôts de garanties financière que les PME soumettent lorsqu’elles répondent aux appels d’offre des marchés publics.

 

3.  La mise en place de l’Agence du Développement Industriel et de la Compétitivité :

  • La bonne exécution d’une politique industrielle nécessite : i) un niveau de coordination et d’accès à l’information qui soit excellent ; ii) des compétences au fait du monde des affaires, ayant une expérience d’entreprise et des profils adaptés à la tâche ; iii) la flexibilité d’interrompre certains soutiens et la transparence dans l’évaluation des interventions. Des institutions ministérielles, fragmentées et dotées de compétences dont l’expérience en entreprise est limitée mènera à l’échec de la mise en œuvre de la politique industrielle, quelque soit la qualité de sa conception.
  • Pour pallier à ces insuffisances, toutes les administrations en charge du développement des entreprises, de l’investissement et du développement industriel seront dissoutes au sein d’une agence d’exécution de la stratégie industrielle nommée Agence pour le Développement Industriel et la Compétitivité (ADIC). Ainsi, l’ALGEX, l’Agence de la PME, le programme de mise à niveau, la CGPME, la CAGEX et l’ANDI seront toutes dissoutes. L’ADIC prendra en charge tous ces programmes et services aux entreprises, en les modernisant pour les mettre aux standards internationaux.
  • L’ADIC aura un statut d’agence d’exécution de la politique industrielle pour le compte de l’Etat. Elle sera dotée d’un conseil d’administration présidé par le ministre de l’économie mais dont la composition sera paritaire public-privé. Cette agence aura la flexibilité de pouvoir recruter de l’expertise de niveau international pour mener à bien sa mission, et elle ne sera pas soumise aux contraintes de gestion des ressources humaines et d’incitations de la fonction publique.


[1] Saisir « l’opportunité démographique » chinoise qui va l’obliger à relocaliser, notamment en Afrique, plusieurs millions d’emplois en raison de la baisse de la population jeune en âge de travailler (62 millions des 15-25 ans d’ici 2025).

[2] Voir chantier [XY] du thème II.