CHANTIER N° 03 : Maitrise de la demande énergétique

Engager une stratégie de maitrise de la consommation énergétique visant, à l’horizon 2020, à: (i) réduire progressivement les subventions des prix de l’énergie ; (ii) généraliser les permis de construire « verts » et introduire les incitations fiscales pour les ménages réalisant des travaux d’amélioration de l’isolation de leurs logement ; (iii) adopter un cadre ambitieux d’économie d’énergie dans les transports ; (iv) atteindre, à l’horizon 2020, un taux de couverture de 20% des habitations individuelles en termes d’équipement de chauffe-eaux solaires ; (v) Généraliser, à l’horizon 2030, l’installation de compteurs dits « intelligents »  pour l’électricité et le gaz. En parallèle de la baisse des subventions énergétiques (électricité, gaz, gasoil et essence), un système de compensations directes des ménages démunis les plus affectés sera mis en place (chantier 4).

 

A défaut de pouvoir maitriser l’évolution de l’offre énergétique et des prix mondiaux, une stratégie ambitieuse sera mise en œuvre pour contenir la demande énergétique, tout en préservant l’environnement. Il s’agit, d’une part, d’augmenter les prix des produits énergétiques subventionnés pour réduire les gaspillages, les utilisations inefficaces, ainsi que la contrebande des carburants aux frontières, et favoriser l’adoption de technologies et de comportements économes en énergies non renouvelables. D’autre part, il s’agit d’encourager les économies d’énergie dans les habitations et les transports.

L’Algérie a les moyens de programmer, sur un horizon de 5 à 7 ans, la baisse des subventions des prix énergétiques (gaz, gasoil et essence) tout en mettant en place un système de compensations directes pour les ménages démunis qui en souffrirait le plus (chantier XY).[1] En parallèle, le « permis de construire vert » qui sera aux normes internationales (et adapté aux différentes régions climatiques du pays) sera introduit le 1er janvier 2015 et généralisé pour toutes les nouvelles constructions au 1er janvier 2020. Aussi, un plan de mesure ambitieux sera progressivement mis en place dans le secteur des transports et généralisé à cette même date. Enfin, un programme national d’équipement en chauffe-eaux solaires sera mis en place pour atteindre un taux de couverture de 20% des habitations individuelles à l’horizon 2020.

 

1.  Réduction progressive des subventions de produits énergétiques :

La baisse des subventions énergétiques est justifiée à plusieurs titres. D’abord, ces subventions généralisées et non ciblées représentent une redistribution inégale et inefficace de la rente des hydrocarbures dont les classes défavorisées profitent le moins. De ce point de vue là, leur remplacement par la distribution ciblée de subventions directes (ou transferts monétaires directs) est une mesure d’équité sociale. Aussi, l’absence de maitrise de la demande énergétique et les gaspillages occasionnés par ces prix subventionnés[2] occasionnent un coût d’opportunité gigantesque pour l’économie algérienne : besoin d’Investissements dans des capacités de production supplémentaires ; dilapidation des ressources énergétiques (allocation inefficiente) qui pourraient soit être valorisées sur le marché international soit être préservées pour garantir la sécurité énergétique future.

La demande dimensionnant l’offre, la politique énergétique devrait se concentrer en priorité sur la maitrise de demande énergétique qui est le moyen le moins couteux, le moins risqué, et le plus rapide pour augmenter les durée de vie de nos réserves énergétiques et ainsi assurer la sécurité énergétique du pays tout en pérennisant les exportations d’hydrocarbures.

Concernant les carburants :

  • A partir du 1er janvier 2015, les subventions d’essence, de diésel et de GPL seront progressivement réduites à l’horizon 2020. Une formule de calcul des prix sera mise en place, qui permette de couvrir les coûts de la chaine logistique (production + distribution jusqu’au consommateur final) auxquels sera ajouté un taux de rémunération conforme aux standards internationaux (autour de 10%) et revenant aux opérateurs. A terme, ces prix devraient réduire le coût d’opportunité d’exporter le pétrole brut ou ses produits dérivés et aligner les coûts internes aux prix d’exportation. Cette formule de prix devra aussi atténuer les fluctuations du prix du baril tout en étant relativement élastique tant à la hausse des prix qu’à leur baisse. Une nouvelle politique tarifaire des prix de l’énergie, pour l’industrie et les ménages, sera mise en place.
  • La baisse des subventions de carburant permettra aussi d’établir un système cohérent des prix. Par exemple, la différence de prix entre le gasoil et l’essence est aujourd’hui excessive, ce qui engendre un excès de diésélisation du parc automobile. Aussi, le GPL est aujourd’hui bien plus cher que le gasoil, alors que ce dernier doit être importé et que l’Algérie produit des quantités importantes de GPL. Ces incohérences de prix seront rapidement corrigées entre 2015 et 2020, en même temps que la baisse des subventions.
  • Le prix des carburants devraient progressivement rejoindre celui des pays voisins (Tunisie et Maroc), hors taxes. Ceci permettra en outre de réduire la contrebande de carburant aux frontières et les pertes correspondantes pour le budget de l’Etat ainsi que les problèmes de sécurité que ces trafics engendrent. Une barrière importante à l’intégration économique régionale serait ainsi levée.

Concernant l’électricité et le gaz :

  • Freiner la croissance de la demande d’électricité en élevant le tarif de l’électricité de manière à atteindre  en 2015 un objectif de croissance de la demande électrique de seulement 4% à 4,5% par an (au lieu de 5,5% par an en moyenne entre 2000 et 2010). L’importance de l’augmentation des tarifs de l’électricité dépendra également de l’efficacité d’autres mesures de maitrise énergétique telles que des campagnes de communication intensive sur différents média ou les incitations au remplacement des équipements énergivores par des équipements économes.
  • Des tarifs « sociaux »  incluant un certain niveau de subvention (inférieurs aux niveaux actuels) seront maintenus dans le cadre du service universel, pour les foyers les moins aisés et dans des quartiers/zones géographiques ciblées. Ces subventions ciblées seront effectives quand le système national de ciblage aura été mis en place (chantier 4).
  • A partir du 1er janvier 2017, sera introduite la tarification bi-horaire afin de réduire la demande de pointe et diminuer les besoins d’investissement relatifs à l’expansion du système électrique (production + réseaux). Cette nouvelle tarification devra faire l’objet d’une campagne d’information et d’explication auprès du public.
  • Mettre en place une législation restrictive sur les normes d’efficacité énergétique des équipements électriques commercialisés en Algérie (notamment les climatiseurs) : selon les cas, les mesures pourront aller de la taxation à l’interdiction de certains équipements énergivores.

2.  Le permis de construire « vert » généralisé au 1er janvier 2020 :

  • Un nouveau permis de construire « vert », qui impose des normes d’efficacité énergétique conformes au label LEED,[3] entrera en vigueur le premier janvier 2015 (voir Chantier 6 du thème Vivre ensemble). Il inclura des normes de préservation d’énergie et d’eau, en termes d’équipements utilisés (capteurs de présence, luminaires à basse consommation d’énergie, ventilateurs, etc.), d’architecture (rapport surfaces des fenêtres sur surfaces des murs, etc.), de matériaux utilisés (fenêtres étanches, etc.), et d’équipement sanitaires (robinets à capteurs où à flux réduits, etc.).
  • Ce nouveau permis de construire sera adapté selon les besoins et contraintes des différentes régions climatiques du pays.
  • Il entrera en vigueur le 1er janvier 2015 pour toutes les nouvelles constructions publiques majeures : immeubles/bureaux de plus de 10 étages, hôpitaux, universités et instituts, bâtiments administratifs, etc.
  • Il sera étendu à partir du 1er janvier 2017 à toutes les nouvelles constructions de logements collectifs, de promotion immobilière, d’immeubles d’affaires, et de commerces.
  • Il sera généralisé aux habitations individuelles et à toutes les nouvelles constructions à partir du 1er janvier 2020.[4]
  • Concernant les immeubles et habitations existantes :
    • Réaliser un bilan énergétique des constructions publiques majeures existantes afin d’identifier les investissements nécessaires pour améliorer leur efficacité énergétique (isolement thermique, chauffage, remplacement des matériaux, économies d’éclairage,.) ;
    • Pour les immeubles et constructions privées : mettre en place des outils d’incitations à l’efficacité énergétique. Par exemple, des crédits d’impôts suite à des investissements qui réduisent la consommation énergétique des habitations, bureaux ou commerces.
  • Une stratégie de développement des industries de fabrication des équipements « verts »sera mise en place.

 

3. Une stratégie d’économie d’énergie ambitieuse pour le secteur des transports :

  • Privilégier les énergies vertes pour les transports publics. A partir de 2015, des incitations seront mises en place pour promouvoir les acquisitions de véhicules hybrides (GPL), que ce soit pour les entreprises de transport ou pour les particuliers. Les entreprises de transport public n’acquerront que des véhicules hybrides à partir du 1er janvier 2017.
  • Mesures drastiques pour réduire l’utilisation des voitures individuelles dans les agglomérations urbaines : fermeture de grandes voies à la circulation un jour du week-end (avec zones de parking supplémentaires et des transports en commun sur ces mêmes trajets), voies express pour voitures avec au moins 3 passagers, etc. Les contraventions du code de la route (excès de vitesse, utilisation abusive des voies express, etc.) seront en outre augmentées significativement ainsi que les moyens de détecter les transgressions (radars, caméras d’identification des plaques, etc.).
  • Fortes incitations fiscales pour l’acquisition de modèles hybrides (GPL). Surtaxes majeures sur l’acquisition de véhicules à forte consommation, et introduction d’un système de bonus/malus énergétique. Des normes de rendement énergétique seront définies pour les moteurs des véhicules de tourisme, afin d’exclure du marché les moteurs ayant un faible rendement.
  • Développer et moderniser les transports en communs urbains et interurbains, développer le fret ferroviaire et maritime.

 

4.  Programme national d’équipement des habitations individuelles en chauffe-eaux solaires :

Un programme national d’équipement en chauffe-eaux solaires individuels sera mis en place pour atteindre un taux de couverture de 20% des habitations individuelles à l’horizon 2020 (avec objectif d’atteindre 50% des nouvelles constructions de maisons individuelles à partir du 1er janvier 2020). Cet objectif ambitieux nécessitera le développement d’une industrie dans ce domaine et le développement de compétences. Il nécessitera aussi un part de financement public et de subventions pour contribuer au coûts d’installation des équipements, notamment pour les ménages défavorisés.

 

5.  Généralisation des compteurs intelligents à l’horizon 2030 :

Afin de mieux contrôler la consommation d’électricité et de gaz, un plan d’installation de compteurs dits « intelligents »[5] sera mis en place afin de le généraliser à l’horizon 2030. Il sera introduit en 2015 de manière pilote dans 3 villes de taille moyenne et couvrira 50% des clients de la Sonelgaz en 2020.

Ces compteurs permettent aux clients de mieux connaitre le profil de leur consommation d’électricité qu’ils peuvent ainsi rationaliser afin de réduire leur facture. Ils permettent aussi de couper à distance l’alimentation de certains équipements, pour éviter les surcharges du réseau en période de pointe. 



[1] Il peut y avoir un intérêt à maintenir certaines subventions qui profiteraient plus aux pauvres qu’aux riches (redistribution progressive), au cas où il serait trop compliqué et/ou trop couteux de cibler une population particulière.

[2] Excès de consommation, gaspillages des ressources, contrebande aux frontières, choix technologiques inefficaces dans l’industrie, etc.

[3] Voir www.ecolabelindex.com/ecolabel/leed-green-building-rating-system

[4] En parallèle de son introduction, le processus d’obtention du permis de construire sera réformé pour prévenir les abus et la corruption. Dans la cadre de la réforme administrative (voir Chantier 5 ainsi que le chantier [XY] du thème Gouvernance), la réforme des inspections et du processus d’attribution du permis de construire sera prioritaire.

[5] Un compteur « intelligent » est un compteur muni de technologies avancées, dites AMR (Automated Meter Reading) qui identifient de façon précise et en temps réel la consommation énergétique d’un foyer ou d’un immeuble. Ces informations sont transmises au client, et permettent une tarification très précises et différenciée selon les heures de la journée et la saison.