CHANTIER N° 01 : Engagement constitutionnel pour couper le lien à la rente et l’investir dans l’avenir

Engager l’Etat dans la voie de l’indépendance budgétaire vis-à-vis de la rente en  inscrivant dans la constitution les plafonds d’allocation de la fiscalité pétrolière au budget: 50% en 2020, 20% en 2030 et 0% en 2035, et en réorientant les surplus vers les investissements d’avenir via un Fonds Souverain pour l’Avenir. S’imposer (par la constitution) un échéancier et des dates butoirs sur l’utilisation de la fiscalité pétrolière afin qu’à partir de 2020, seuls les investissements dans l’éducation, le savoir et les infrastructures économiques soient financés par la fiscalité pétrolière (qui ne financera, au plus, que 50% du budget). Les éventuels excédents de recettes provenant de la fiscalité pétrolière seront alloués, pour 2/3 au Fonds de Régulation des Recettes et, pour l’autre 1/3, à un nouveau Fonds Souverain pour l’Avenir. Ce dernier sera axé, de manière égale, sur : (i) l’éducation, la recherche et le savoir scientifique ; et (ii) les générations futures, qui ne pourront accéder à cette part qu’à l’horizon 2050. Il sera aussi créé un Fonds Souverain International pour gérer de manière plus active environ 20% des réserves de change. Ce Fonds pourrait, à terme, être utilisé pour stériliser une partie des recettes en devises de la Sonatrach.

 

1.  Constitutionnalisation du plafonnement de l’utilisation des recettes de la fiscalité pétrolière

Afin d’engager l’Etat de manière irréversible et réellement contraignante dans une refonte de la fiscalité qui le prémunisse de la tentation de continuer à compter sur les recettes pétrolières, il sera inscrit dans la Constitution et précisé dans une nouvelle Loi Organique des Lois de Finances, les dispositions suivantes plafonnant l’utilisation des recettes pétrolières :

  • A partir du 1er janvier 2015, les salaires de la fonction publique ne pourront plus être financés par la fiscalité pétrolière et devront être couverts exclusivement par la fiscalité ordinaire.
  • Au 1er janvier 2020, la contribution de la fiscalité pétrolière au budget de l’Etat est plafonnée à 50%.[1] Au moins la moitié de cette contribution est allouée au budget d’investissement, et uniquement aux investissements dont les bénéfices se réalisent dans le long terme : éducation, recherche scientifique, économie du savoir et infrastructures économiques de long terme.
  • Au 1er janvier 2025, plus aucune allocation de la fiscalité pétrolière au budget de fonctionnement de l’Etat ne sera autorisée, les revenus de la fiscalité pétrolière ne pouvant dorénavant être alloués qu’au budget d’investissement. Le budget de fonctionnement devra exclusivement être financé par la fiscalité ordinaire.
  • Au 1er janvier 2030, la contribution de la fiscalité pétrolière au budget de l’Etat est plafonnée à 20%. Cette contribution n’est plus autorisée à partir du 1er janvier 2035. La totalité du budget de l’Etat devra être financée par la fiscalité ordinaire. Les recettes fiscales du secteur des hydrocarbures seront alors épargnées pour les générations futures où investies dans un fonds souverain dédié à l’avenir du pays (voir ci-dessous).
  • Les lois de finance seront préparées en tenant compte de ces objectifs et de ces plafonds. Aussi, un plafond du niveau de la dette publique intérieure sera aussi constitutionnalisé (par exemple, 75% du PIB) afin de limiter l’endettement public par une restriction des dépenses, en cas de longue phase de déficits publics.

 

2.  Création du Fonds Souverain pour l’Avenir

  • Un Fonds Souverain pour l’Avenir sera institué le 1er janvier 2015. La loi instituant le FSA précisera ses règles de gouvernance, qui seront au niveau des meilleurs standards internationaux en termes de transparence. Une loi renouvellera aussi les règles de gouvernance du Fonds de Régulation des Recettes (FRR) pour les mettre au même standard et pour codifier le partage de l’allocation des excédents budgétaires entre le FRR et le FSA.
  • A partir de 2015, un tiers de la balance du FRR sera versée dans le FSA et cette règle d’allocation sera appliquée annuellement aux excédents budgétaires : deux tiers seront versés au FRR et le tiers restant au FSA. Par ailleurs le niveau du FRR sera plafonné et ne pourra pas dépasser le niveau du budget de l’Etat inscrit dans la Loi de Finances de l’année en cours. Dans ce cas, les excédents budgétaires seraient alors entièrement versés au FSA. Seul le FRR pourra être débité pour financer les déficits budgétaires durant les exercices fiscaux déficitaires. Si ce dernier venait à se vider, l’Etat devra recourir à l’endettement public et ne pourra en aucun cas débiter le FSA. Ces provisions seront inscrites dans une nouvelle Loi Organique des Lois de Finances.
  • Le FSA servira à investir dans l’avenir de la nation. Une moitié sera investie dans des actifs sûrs et sera léguée aux générations futures (Fonds Algérie 2050). L’autre moitié sera investie dans des activités de développement de long terme portant sur l’économie du savoir, par le biais d’une Fondation. Il sera ainsi divisé en deux parties égales :
  1. a.       une Fondation pour le développement de la formation d’excellence, de l’innovation et du savoir scientifique. Cette Fondation ne pourra dépenser annuellement (qu’à partir de 2015) qu’à hauteur d’un certain pourcentage de son capital (par exemple, 5%), et uniquement dans des initiatives de promotion de l’excellence académique, de la recherche, de l’innovation et de l’économie du savoir. Il sera géré selon les standards internationaux de gestion des Fondations, notamment en termes de transparence dans l’utilisation des fonds et d’évaluation indépendante de son efficacité. Il sera dirigé par un conseil d’administration paritaire, composé de représentants de l’Etat, d’élus, de représentants de la société civile et d’experts nationaux et internationaux reconnus. Les recettes de placement de son capital financeront, à partir de la 5e année d’exercice, la totalité de son budget de fonctionnement. Sur la base de concours et d’appel à soumettre des demandes de financement de manière compétitive et transparente, la Fondation appuiera des activités diverses telles que :
  • § Des bourses d’excellence dans des disciplines scientifiques pour financer des projets de recherche de niveau international, des thèses de doctorat ou des projets scientifiques.
  • § Des initiatives de partenariat public-privé dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.
  • § La création d’instituts, d’écoles ou de centres de recherche en collaboration avec des institutions de niveau international.
  1. b.      Un Fonds Algérie 2050 pour les générations futures. Ce fonds, conformément à la Constitution, ne sera libéré et accessible qu’à partir du 1er janvier 2050. Les revenus de ses placements (dans des valeurs sures de long-terme) y seront réinvestis en totalité.

Le modèle de projection développé donne une idée de l’évolution du FRR et du FSA suite à l’introduction de ce dernier. En supposant que le budget de l’Etat évolue en proportion du PIB et reste, en proportion, similaire à celui de 2012, les graphes ci-dessous montrent que le FSA pourrait accumuler plus de 3500 milliards DA à l’horizon 2030 (soit 11% du PIB hors hydrocarbures). Le FRR se sera alors reconstitué à près de 17% du PIB hors hydrocarbures, après avoir fondu au creux de la transition fiscale autour de 2020.

 

3.  Création d’un Fonds Souverain International pour une gestion plus active d’une partie des réserves de change

  • Environ 20 pourcent des réserves de change seront placées dans ce nouveau fonds. Dans le cadre d’accords de coopération avec les meilleurs fonds souverains de la planète (Singapour, Norvège), une partie de son capital sera co-investie dans ces fonds souverains afin d’augmenter les rendements des placements. La gestion de ce Fonds sera confiée aux meilleurs fonds de gestion  internationaux, dans les meilleures conditions de transparence. Ces partenaires formeront des spécialistes algériens en gestion de fonds. A terme, afin de stériliser une partie des recettes d’exportation d’hydrocarbures, une partie des recettes en devises de la compagnie nationale Sonatrach pourraient y être directement placées, pour prévenir l’économie algérienne des excès de liquidités qu’elles engendrent dans l’économie et des effets néfastes du syndrome hollandais.

Par ailleurs :

  • Il sera instauré une transparence totale dans la gestion des recettes d’hydrocarbures, des réserves de change et du Fonds de Régulation des Recettes, du FSA, et du FSA. L’Algérie s’inscrira progressivement en conformité avec les critères de transparence de la Extractive Industries Transparency Initiative(Initiative de Transparence dans les Industries d’Extraction). Au cours des douze premiers mois, seront introduits :
    • la publication régulière de toutes les transactions de recettes et de paiements envers les compagnies de pétrole et gaz internationales traitant avec l’Algérie, ainsi qu’avec les sociétés de services et d’engineering pétrolier ;
    • la publication des flux de recettes d’hydrocarbures ;
    • la publication des Etats financiers des réserves de change ainsi que du Fonds de Régulation des Recettes, incluant tant les stocks que les flux.

 


[1] Ces estimations et cet échéancier sont basés sur le modèle de projection à 2030 développé à cet effet, ainsi que les hypothèses associées. Il s’agit de taux et d’échéances indicatives qui devront être précisées après des évaluations et des projections mises à jour sur la base des deniers chiffres des Comptes de la Nation.