Bilan et situation en 2012

1. Le bilan | 2. Où se situe l’Algérie au plan international ? | 3. Conclusion | 4. Synthèse : Bilan à 2012

En 50 ans, la santé des Algériens a connu une amélioration de tous les paramètres quantifiables de santé. Des progrès ont été réalisés, surtout depuis le début des années 2000, grâce à une priorité redonnée à la santé et une part croissante du budget de l’Etat consacrée à la santé :

  • L’espérance de vie qui était inférieure à 50 ans à l’Indépendance est passée à plus de 72 ans en 2012, mais avec une qualité de vie au cours de la vieillesse qui n’est pas comparable aux standards attendus.
  • Les mortalités infantiles et maternelles ont, elles, été divisées par 7 en 50 ans. Elles demeurent encore élevées en comparaison des données des autres pays du benchmark qui ont des revenus et des réalités socio-économiques similaires à l’Algérie et constituent l’une des priorités reconnue.
  • Le nombre de lits hospitaliers a été multiplié par 2 en 50 ans.
  • Le nombre de médecins a été multiplié par 50 en 50 ans, mais avec des déséquilibres régionaux encore importants et également en terme de spécialités.
  • Le budget de la santé est passé de moins de 4 % du PIB à presque 7% . Cette augmentation considérable des budgets de santé depuis 1970 jusqu’à 2010 ne s’est pas réalisée  en continu mais par vagues successives brutales causant des ruptures de fonctionnement et générant des dépenses de santé financées à hauteur de  80 % par l’état algérien.
  • Le marché pharmaceutique algérien est le troisième marché africain (2,9 milliards de dollars en 2011), en croissance moyenne de plus de 10% par an. 70 % des médicaments consommés proviennent de la production locale mais ils ne représentent que 30 % des dépenses engagées pour les médicaments et produits de santé. Car, malgré une politique favorisant les productions locales de génériques, l’Algérie reste importatrice des médicaments  et de produits innovants et chers.

De nombreux progrès restent à faire, puisqu’on observe :

  • Des mortalités encore élevées, au-dessus des autres pays du benchmark, notamment du fait des maladies chroniques (cancer, diabète) ou lourdes (cancer) en forte progression. Les mortalités maternelle et infantile demeurent anormalement élevées
  • La résurgence de maladies endémiques que l’on croyait en voie de disparition
  • Un accès inégal aux soins pour les Algériens, tributaires de leur positionnement géographique et de leurs moyens. A cela s’ajoutent les ruptures longues et récurrentes dans l’approvisionnement en médicaments et en produits de santé qui pénalisent toute prise en charge. Enfin, la part du reste à charge des ménages dépasse les 40% de la dépense en santé, ce qui creuse de fait les inégalités d’accès ;
  • Une qualité de service perçue comme insuffisante et excessivement fluctuante selon l’établissement médical ou la région voire le médecin traitant
  • Une part du PIB investie dans la santé (environ 6% en 2010) qui reste en deçà des pays voisins et du benchmark (autour de 10%) malgré des progrès récents de rattrapage
  • Une efficacité du système de santé qui, malgré les moyens relativement importants qui ont été mobilisés depuis une décennie, demeure faible au vu de l’état sanitaire des Algériens par rapport aux pays à revenu comparable. De plus, La qualité de service (infrastructures, équipements opérationnels, hôtellerie à niveau) et de prise en charge médicale et soignante est jugée très perfectible par les usagers (malades et leurs familles). Par ailleurs, le fossé se creuse entre un secteur public voué à assister massivement les populations et un secteur privé plus ciblé et plus marchand
  • Enfin, des industries de la santé et du médicament sans stratégie ni régulation suffisante, avec notamment une industrie du médicament encore majoritairement dépendante de l’importation.

Aperçu des évolutions du système de santé de 1962 à nos jours [1]

La première phase (1962 – 1972) : reconstruction d’un système de santé dévasté par la guerre

Avec 9 millions d’habitants (dont 85% de ruraux), la situation sanitaire en 1962 était marquée par les maladies liées à la malnutrition et à l’absence d’hygiène et de prévention. L’espérance de vie à la naissance était estimée à 49 ans au début des années soixante.

Le système de santé était  exsangue suite au départ massif des médecins, pharmaciens et cadres de santé français, (dont le nombre est passé de 2 500 à 630 médecins, avec moins de 300 médecins d’origine algérienne). Par ailleurs, les structures de sante d’alors, construites essentiellement pour répondre aux besoins de la population européenne, étaientconcentrées dans certaines grandes villes au nord du pays.

Le chantier de la reconstruction du système de santé, pour répondre aux besoins sanitaires de la population algérienne était colossal, en terme, à la fois de structures à construire, et de facteur humain à former comme l’attestent les indicateurs de santé publique de référence suivants :

  • Mortalité infantile très élevée : 180/1000 en milieu urbain.
  • Espérance de vie des Algériens ne dépassant pas 50 ans.
  • Densité de 1,2 à 1,6 médecin / 10 000 habitants.
  • Densité de 1 à 2 chirurgien-dentiste / 100 000 habitants.
  • Densité de 3 pharmaciens / 100 000 habitants.
  • Accès aux soins difficile pour les populations rurales.

C’est dans ce contexte que va se mettre en place une politique de santé publique marquée par deux orientations majeures : d’une part la volonté d’une prise en charge massive des problèmes de santé de la population par l’Etat (médecine quasi exclusivement publique) ; et d’autre part, un financement des dépenses de santé assuré essentiellement par la fiscalité étatique.

La mise en œuvre de la politique sanitaire nationale de l’indépendance du pays  jusqu’au début des années 70  s’est caractérisée essentiellement par :

  • La réactivation des structures de santé laissées en place  et offrant une couverture insuffisante et qui étaient  largement dégradées par la guerre et désertées par les personnels de santé majoritairement d’origine française  .
  • L’établissement d’un programme de santé avec pour but essentiel la lutte contre les maladies transmissibles prévalentes et la prise en charge des besoins de santé de base (nutrition, urgences médico-chirurgicales, natalité)
  • La mobilisation des ressources financières indispensables à la réalisation de programme par l’Etat du fait de revenus très bas de la population (PIB/habitant n’excédant pas 400$ US).

La seconde phase (1973-1986) : vaste programme de développement de la santé dans les établissements publics:

La nationalisation du pétrole en 1972, qui a amélioré de manière très substantielle les revenus de l’Etat, va permettre à l’Algérie de se lancer dans un vaste programme de développement à travers les  révolutions « industrielle, agraire et culturelle ».

Dans le domaine de la santé, ce programme se traduit par un certain nombre de grandes décisions politiques comme l’ordonnance présidentielle de 1973 instituant la gratuité des soins, la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement universitaire de médecine, pharmacie et chirurgie dentaire (« 1000 médecins par an ») ou encore la programmation sanitaire du pays (PSP) en 1975 avec l’adoption de normes de santé :

  • un centre de santé pour 6 à 7000 habitants ;
  • une polyclinique pour 15 à 25.000 habitants
  • un hôpital par daïra
  • un hôpital par wilaya

Entre 1975 et 1979, plusieurs programmes voient le jour  :la mise en oeuvre dans tout le pays, du programme élargi de vaccination, l’instauration du service civil (notamment pour les médecins) et la création par décret du « secteur sanitaire » et des « sous-secteurs sanitaires ».

Ces actions ont sensiblement amélioré l’état de santé de la population algérienne par rapport à la situation qui prévalait à l’Indépendance. Néanmoins, les disparités régionales qui existaient déjà à l’Indépendance (polarisation des infrastructures et des compétences médicales dans les grandes villes du Nord du pays) demeurent importantes.

Au début des années 1980, avec l’augmentation substantielle des revenus pétroliers, le  budget de la santé atteint près de 7% du PIB :

  • les unités de soins sont équipées de moyens modernes et plus de quarante nouveaux hôpitaux sont édifiés, Cet investissement en nouveaux lits hospitaliers améliore considérablement la couverture nationale en lits, mais pèche malheureusement par une implantation géographique inadéquate des unités par rapport aux évolutions des besoins  et, souvent, par une architecture inadaptée au milieu environnant.
  • une quantité importante d’équipements lourds sont acquis, là aussi dans la précipitation et sans étude préalable sur la pertinence des achats, leur implantation, et sur le personnel qualifié qui devrait être prévu pour présider à leur mise en fonctionnement et à leur maintenance.

La troisième phase (1986-2002) : absence d’adaptation du secteur de la santé à la double transition démographique et épidémiologique en cours en Algérie du fait de la crise économique et sécuritaire qui fait passer la santé au second plan des priorités de l’Etat algérien

La politique volontariste mise en oeuvre jusqu’en 1986 connaît un frein brutal à la fin des années 80, en raison de la chute des revenus pétroliers. Le prix du baril de pétrole chute en deçà de 10$ US en 1986, imposant à l’Algérie, de faire appel à des emprunts à des taux ruineux à court terme et de réviser à la baisse, sinon d’abandonner purement et simplement, un grand nombre de programmes de développement. Celui de la santé connaît un net recul dès 1986/87, mettant en grande difficulté le secteur public hospitalier (gestion des hôpitaux ou entretien des équipements).

Le mécontentement des patients et usagers et des personnels de santé face à la rapide dégradation des prestations du secteur public, pousse l’Etat à promouvoir davantage le secteur libéral, lui transférant une  part de plus en plus grande des soins ambulatoires et hospitaliers (années 90). Cette libéralisation se fait  sans encadrement juridique Par ailleurs, la plupart des praticiens du privé n’est pas conventionnée avec l’Assurance Maladie et les tarifs des actes pratiqués par le secteur privé sont très supérieurs aux barèmes de remboursement en vigueur qui n’ont pas été suffisamment réévalués. De ce fait, la quasi-totalité des frais encourus auprès des médecins privés restent à la charge des ménages.

En parallèle, d’importantes transitions (ayant un très fort impact sur le système de santé publique) s’amorcent:

  • Une transition épidémiologique :
    • Persistance et résurgence des MTH (Maladies à Transmission Hydrique)
    •  Augmentation des maladies chroniques dites maladies modernes: diabète, pathologies digestives, cardio-vasculaires, respiratoires, cancers et neuropsychiatriques.
  • Une transition démographique :
    • Amorce du vieillissement de la population (6,7% en 1999[2])
    • Urbanisation rapide (59 % de l’habitat en zone urbaine en 1999)[3]
    • Recul de la natalité même si la part de la population jeune reste extrêmement importante (48, 24 % de la population a moins de 19 ans en 1998[4]).
  • Une transition socio-économique :
    • Chute des revenus des hydrocarbures, insuffisance de productivité et de création de richesse interne, augmentation considérable du poids de la dette extérieure et passage désordonné à l’économie de marché avec comme effet la dévaluation du dinar, le développement du chômage et d’une inflation élevée.
    • Appauvrissement de l’Etat qui provoque un décrochage du développement des secteurs sociaux (logements, éducation, santé), une dégradation de  l’environnement et des conditions de vie, de l’habitat et de l’hygiène publique
    • Elargissement des poches de pauvreté et précarité nutritionnelle de larges couches de la population.

La quatrième phase (2002-2011) : volonté de réactiver une politique sanitaire d’envergure sans remettre en place une véritable planification à long terme

Cette période a été caractérisée par une nette amélioration des ressources du secteur de la santé, grâce à une augmentation des allocations budgétaires, aussi bien en termes de budgets de fonctionnement que de budget d’équipement du fait de la rente pétrolière et ce en dépit des crises financières mondiales. Les indicateurs de santé publique connaissent une amélioration significative :

  • La dépense de santé passe de 3,48 %  du P.I.B en 2000 à 5,79 % du P.I.B en 2009[5]
  • De nouvelles constructions de structures hospitalières et des investissements massifs en matériel et équipements, notamment dans le domaine de l’imagerie médicale, ont lieu[6].Ainsi, en 2007 l’infrastructure hospitalière publique globalise 61 829 lits (1.94 lit / 1000 hab.).
  • Accroissement de 70% du corps médical depuis 1999, soit 35 000 praticiens en 2007 dont 13 000 spécialistes, soit un ratio record de 1 médecin pour  803 habitants
  • Volonté de rééquilibrage de la couverture sanitaire à travers le pays notamment grâce au service civil imposé aux médecins spécialistes : en 2007, 3 174 médecins exercent dans le sud du pays et dans les hauts plateaux contre 387 en 1999.
  • Promotion du médicament générique, libéralisation et encouragement de la production locale ainsi que de la distribution privée des produits de santé. Grâce à la consommation de génériques, passage de 30% à  70% de la couverture nationale en volume des médicaments .
  • Mise en place tardive de l’agence nationale du médicament (décret datant de 2008, mais une mise en œuvre effective décidée seulement  en 2012).

Durant cette période, un certain nombre de dispositions réglementaires ont été prises, aussi bien dans le domaine de l’organisation du système de santé, que de celui du médicament. Par exemple, la mise en place depuis janvier 2008 d’une nouvelle hiérarchisation des soins portant sur la séparation entre:

  • des structures extrahospitalières assurant la prévention et les soins de base : Création des EPSP (Etablissement Public de Santé de Proximité, ex Secteur Sanitaire)
  • Des structures d’hospitalisation et de soins spécialisés : Création des EPH (Etablissement Public Hospitalier)
  • Le maintien des CHU (Centres Hospitalo-Universitaires) et EHS.
  • Création de structures hautement spécialisées, les EHS (Etablissements Hospitaliers Spécialisés) dans par exemple la médecine sportive ou les maladies cardio-vasculaires par exemple

En 2011, le ministère de la Santé lance le Plan National Cancer.

Pendant cette période, les transitions épidémiologique et démographique se poursuivent :

  • Progression accélérée des maladies non transmissibles (pathologies dites modernes) : maladies neuropsychiatriques, cancers, diabète, pathologies respiratoires, digestives et  cardio-vasculaires en rapport avec le changement de rythme et de mode de vie du citoyen ;
  • Vieillissement de la population, lié à l’allongement de l’espérance de vie et à la baisse accélérée de la fécondité depuis les années 90 (les taux de fécondité se sont  stabilisés à moins de 2.5 enfants/femme depuis 10 ans) ;
  • Accroissement naturel reparti à la hausse au cours des dernières années, malgré la baisse de la fécondité, du fait du rebond du nombre de mariages, liée à la fin de la « décennie noire ». En conséquence, la population algérienne continue à croitre à un rythme élevé de 2% par an.

[1] Sources : Pr JP Grangaud, IPEMED, MSPRH, INSP, [2] Source : MSPRH, [3] Source : Banque mondiale, [4] Source : IPEMED, Pr. J.P. Grangaud, [5] Source : Banque mondiale, [6] le programme quinquennal 2005 – 2009 prévoyait une dépense de 244 milliards de dinars et la réalisation de 800 infrastructures dont 20 hôpitaux de plus de 200 lits, 70 autres de moins de 200 lits, 260 hôpitaux et centres spécialisés, 133 polycliniques et 214 centres de santé

2- Où se situe l’Algérie au plan international ?

Certes, des investissements matériels et humains quantitatifs considérables ont été consentis pour la santé. Pour autant, sur les principaux indicateurs de santé publique, l’Algérie reste généralement dans le peloton de queue parmi les pays du benchmark, ce qui  reflète des progrès qualitatifs relativement faibles.

Espérance de vie à la naissance : 

L’espérance de vie à la naissance s’est améliorée de manière significative, reflétant un accroissement du niveau de vie et une meilleure prise en charge sanitaire. Cependant l’Algérie est encore devancée par la plupart des pays du benchmark. La qualité de vie et l’état de santé de la population ne sont pas aux niveaux des standards des pays à revenus comparables. Ils peuvent et doivent être rapidement améliorés.

Comparatif de l’espérance de vie à la naissance 1962-2009 Algérie et pays du benchmark

Taux de mortalité infantile (0-5 ans) pour 1000

Le taux de mortalité infantile a significativement baissé, essentiellement grâce aux programmes élargis de vaccination et à une meilleure prise en charge à la naissance et de la petite enfance. Mais ce taux reste, à ce jour encore, parmi le plus élevé du benchmark. Les dernières données sur la mortalité à la naissance font état d’une augmentation récente de ces taux, sans doute à corréler avec l’insuffisance de planification et de priorité donnée au suivi de la grossesse et de la naissance en Algérie. De même, le taux de mortalité maternelle en couches est  anormalement élevé et s’est toujours située au-dessus des pays du benchmark

Comparatif du taux de mortalité infantile (0-5ans) pour 1000 sur la période 1965-2010

Nombre de médecins pour 1000 habitants

Comparatif du nombre de médecins pour 1000hab sur la période 1965-2007 

Le nombre de médecins pour 1000 habitants a été multiplié par 10 en 50 ans. La couverture médicale a régulièrement augmenté, sauf pendant la décennie noire des années 90.

La couverture médicale en Algérie est la meilleure du Maghreb, mais demeure  insuffisante au regard des ressources supérieures de l’Algérie par rapport à ses voisins qui devraient mieux la situer dans le benchmark. De plus, la couverture médicale demeure encore inégale en terme géographique et par spécialité.

Les soins infirmiers et de nursing constituent l’une des faiblesses majeures du système de santé algérien et handicapent lourdement l’efficacité des services médicaux malgré les  lourds moyens matériels octroyé : ainsi, le taux de couverture pour le nursing/infirmier est seulement de 19 /10000 habitants contre 29/10000 en Tunisie par exemple[1].

Nombre de lits hospitaliers pour 1000 habitants

Comparatif du nombre de lits hospitaliers pour 1000hab 1970-2004

Compte-tenu de la croissance soutenue de la population, le nombre de lits pour 1000 hab a pratiquement été divisé par 2 en 25 ans et ce, malgré l’accroissement considérable du nombre d’infrastructures, notamment durant les années 2000. Cette situation reflète  encore et malgré tout l’effort insuffisant en Algérie en terme de développement des infrastructures hospitalières pour répondre aux importantes évolutions démographiques et sanitaires.

Dépenses totales en santé (en % du PIB)

Dépenses totales en santé (% du PIB) 1995-2009 Algérie et pays du benchmark 

Un positionnement parmi les derniers pays du benchmark. En 2009, les dépenses en santé représentaient  seulement 4,58 % du PIB.

Dépenses en santé par habitant (USD)  

Evolution des dépenses en santé par habitant (USD) Algérie 1995-2009

Une accélaration des dépenses de santé a eu lieu depuis  2005. Ce ratio des dépenses de santé approche les 7 % du PIB, ce qui devient comparable aux ratios des pays développés et émergents leaders. Cette augmentation quantitative des moyens consacrés à la santé ne se traduit pourtant ni par une amelioration de la qualité réelle des soins, ni une amelioration de la qualite perçue par les citoyens qui, elle, ne semble pas progresser.

Comparatif des dépenses en santé par habitant (USD)

Une forte augmentation des dépenses de santé par habitant à partir de 2007

  • Augmentation significative des budgets (dont 80 % des dépenses  de santé sont prises en charge par l’Etat)[1].
  • Amélioration du système de couverture du «tiers payant» entraînant mécaniquement l’augmentation de la facture du médicament et des soins médicaux  (sensible notamment pour les prises en charge des pathologies chroniques);
  • Le reste à charge pour le patient se situe pourtant, en moyenne, à 40% de la dépense de santé un des plus élevés du benchmark et du Maghreb. Ce reste à charge dépasse  90 % pour les soins et services offerts par les structures privées de santé :
    • Ce taux moyen est anormalement élevé pour un système national où la sécurité sociale est accessible au plus grand nombre et est un principe constitutionnel d’égalité des citoyens ;
    • Le taux excessivement élevé de reste à charge pour les soins dispensés par le privé reflètent quant-à-eux l‘absence de contractualisation des médecins privés par la sécurité sociale (seulement 1000 médecins privés contractualisés à ce jour, avec une très faible application du tiers payant) et leur non-inclusion de facto dans le système général de santé publique.
    • Dès 2011, des contrats de conventions sont signés entre la CNAS et les médecins privés, leur permettant une revalorisation de leurs honoraires à 250 DA, moyennant une participation à l’effort de suivi régulier des malades. Ce projet n’a a pas reçu un accueil favorable de la part des médecins installés du fait de la faible valorisation de la consultation et du surcroît de suivi administratif que cela leur imposait .
    • La combinaison de tarifs extrêmement élevés dans le privé et de l’absence de remboursement entretient donc une situation de sélection par l’argent dans l’accès aux services médicaux du  secteur privé de soins de santé[2].

Médicament et industrie pharmaceutique

Le marché pharmaceutique algérien est le troisième marché africain (2,9 milliards de dollars en 2011),  en croissance moyenne de plus de 10% par an. Il devrait cependant atteindre, voire même dépasser 8 milliards en 2020  et la part des  produits importés sera toujours située autour de 60% en valeur, notamment si les  axes de la production locale n’évoluent pas vers plus de diversification et de spécialisation technologique.

Le marché algérien reste structurellement importateur :

Avec un doublement des unités locales de production en 5 ans, le marché compte 56 unités sur le territoire en 2011. Elles couvrent 35% des besoins nationaux en valeur et 53% en volume. Le marché algerien reste cependant structurellement importateur car les unités de production locales se concentrent sur les génériques (90 % de la production constituée de médicaments génériques et seulement 10 % de spécialités, aux échéances brévetaires déjà échues ou imminentes) et sur les mêmes formes pharmaceutiques qui ne couvrent qu’une partie des besoins (essentiellement en forme liquides, pâteuses et sèches simples, ainsi que quelques matériels médicaux de base).


L’Algérie s’est donc orientée vers une production de masse de générique depuis 20 ans pour des raisons d’accessibilité plus facile (techniques, humains, financiers)  et d’encadrement juridique volontariste (mise en place et réactivation de listes de produits interdits à l’importation basée sur les productions de génériques).

Le prix moyen des médicaments génériques vendus est passé en 5 ans de 162.5 à 244 DZD soit une augmentation de 50 %. Cette évolution est la traduction directe des transitions épidémiologiques citées plus haut et reflète la tendance des laboratoires, même ceux proposant des génériques, à introduire de nouvelles molécules toujours plus chères. Ces prix sont pourtant contrôlés et évalués périodiquement sur les listes de médicaments avec tarifs de référence.   Les génériques demeurent aussi relativement chers à cause des coûts des matières premières importées mais également par défaut  d’économie d’échelle car les unités de production sont encore récentes, restent de petites tailles et ne travaillent pas encore en synergie.

En parallèle, les besoins thérapeutiques et médicaux évoluent vers des traitements récents et plus techniques qui sont quasiment tous importés en Algérie.  Citons par exemple les anti-cancéreux, les insulines analogues/stylos, les  anticorps monoclonaux et  interférons, les trithérapies, les prothèses et le matériel médical, dont seule une infime partie est produite localement. Pour ces raisons, les besoins nationaux de soins évoluent vers plus de demandes de produits innovants restant importés et le marché reste structurellement importateur malgré l’essor d’une industrie locale de production.

GRAPHE A INTEGRER 

Pour répondre aux nouveaux besoins en produits innovants issus du vivant de l’Algérie et de la région Afrique Moyen Orient, le gouvernement algérien a décidé d’entreprendre un vaste projet de création d’un pôle biotechnologique (comprenant des sites de production et de R&D) sur le site de Sidi Abdallah. Le pilotage du  projet démarre avec le soutien à la fois de grandes entreprises et de pôles académiques américains ainsi que  de certaines entreprises européennes majeures. Ce projet revêt un défi considérable en terme de développement de nouvelles formations, de compétences et de savoir-faire scientifiques. Il devrait pousser à la modernisation de nombreux cycles et  modules de formations universitaires algériens  scientifiques et bio-médicales qui peinent à se renouveler, notamment  pour intégrer une dimension de R&D  et de management qui fait cruellement défaut actuellement aux industries de santé locales. Enfin, ce projet peut compléter le développement d’une industrie biopharmaceutique actuellement trop orientée sur les produits chimiques alors que la course internationale à la compétitivité dans la santé passe aujourd’hui  par le domaine des biotechnologies et des technologies avancées.


[1][2] Source : WHO 2010 Factsheets of Health Statistics2010

Conclusion

La situation sanitaire actuelle

Le système de santé algérien doit s’adapter à deux transitions concommittantes : transition démographique et transition épidémiologique

La transition démographique est complexe et se traduit par une croissance rapide de la population (taux nettement plus elevé que dans les pays occidentaux par exemple) couplée à un vieillissement sensible, avec une  forte progression de la tranche  des 60 ans et plus (projection à plus de 15 % de la population en 2020 d’après l’OMS). Dans le même temps, la tranche des moins de 15 ans, dont la croissance reste contenue, represente encore une part très significative de la population.

D’un point de vue épidémiologique, le pays est confronté à la fois aux priorités sanitaires des pays en développement et à celles des pays développés

  • Des mortalités maternelle et infantile encore anormalement élevées (mortalité infantile à 31,3‰, ce qui classe l’Algérie parmi les 3 derniers du benchmark)
  • Une persistance de certaines maladies transmissibles et une résurgence épisodique de certaines maladies infectieuses « oubliées » (hydriques, tuberculose, scarlatine, …)
  • Une augmentation régulière et soutenue des pathologies chroniques, dites « modernes » (maladies neuropsychiatriques, pathologies digestives, cardio-vasculaires, diabète, asthme/allergies, …)
  • Une augmentation alarmante des pathologies graves et très lourdes à prendre en charge (cancers, maladies de système, maladies métaboliques…)
  • Une forte prévalence des accidents domestiques et de la route qui nécessitent de prendre en charge des traumatismes lourds et d’importants moyens chirurgicaux.

A titre indicatif, les premières causes de décès actuels sont : les cancers et les traumatismes, les maladies cardio vasculaires, les affections périnatales.

Cette transition épidémiologique complexe et relativement courte dans le temps se traduit par une dispersion  inevitable des ressources matérielles et humaines pour faire face à des besoins très divers. Ce spectre trés large de maladies, de situations socio-médicales et sociales à traiter contraint très significativement le système de santé en termes  organisationnel et financier.

Les transitions démographique et épidémiologique imposent donc au système de santé algérien de se transformer à nouveau pour assumer les nouvelles pathologies et les nouveaux patients, rendant indispensable une évolution structurelle de ce système de santé, en particulier sur son volet financement et sur son organisation.

Un Plan National Santé a été présenté en 2006, puis actualisé en 2008, afin de moderniser la santé et la rendre plus efficace . Cependant, ce plan n’a pas fait l’objet d’une évaluation factuelle et transparente des réalisations et des résultats obtenus à mi parcours.

  • En 2006, 38 programmes de santé publique ont été lancés, dont le coût a été évalué à près de 200 milliards de DA financés à horizon 2009, avec une volonté d’ « évaluation à mi parcours » – non datée de ces programmes ;
  • A 2012, cette évaluation n’a pas encore été réalisée, ou du moins ses résultats n’ont pas été rendus publics. Cette évaluation est un pré-requis essentiel tant pour la poursuite des réformes que pour valider les axes de refonte du système de santé. 

Un accès inégal aux soins pour les citoyens, tributaires de leur positionnement géographique et de leurs moyens.

  • Une implantation inégale des infrastructures hospitalières sur le territoire avec (sur)concentration en zone littorale et urbaine, à laquelle s’ajoute un retard relatif par rapport aux pays du benchmark en matière d’infrastructures de base et de ratio lits hospitaliers / habitant :
    • Une couverture médicale disparate (ex : 1,52 médecins pour 1000 hab dans le Centre, contre 0,81 pour 1000 hab  dans le Sud Est ; 1 spécialiste pour 733 hab à Alger, contre 1 spécialiste pour 12 827 pour Djelfa)[1]
    • Des populations rurales qui sont encore à une distance géorgaphique élevée des infrastructures hospitalières et se sentent dès lors délaissées.
    • Une part du reste à charge des ménages qui, à dire d’experts[2], dépasserait les 40% de la dépense en santé et creuse de fait les inégalités d’accès. On constate également une structure de la Dépense Nationale de Santé (DNS) déséquilibrée avec une part des ménages de près de 30%, celle de l’Etat à 40% et les 30% restants à la charge de la Sécurité Sociale.
    • A dire d’experts, une prépondérance des spécialistes au détriment des généralistes, avec un recours quasi systématique au spécialiste en première intention de consultation.
    • Des ruptures récurrentes et de longue durée dans l’approvisionnement en médicaments et en produits de santé.

Une efficacité du système de santé qui demeure faible au vu de l’état sanitaire des Algériens par rapport à des pays à revenu comparable, malgré les moyens relativement importants qui ont été mobilisés notamment depuis une décennie.

  • Une volonté de poursuivre le développement des équipements lourds et la création de nouvelles structures hospitalières, ce qui privilégie une logique de volume au détriment d’une réflexion prospective et qualitative sur les besoins de prise en charge à moyen / long terme.
  • Un écart fort entre les statistiques, qui produisent des indicateurs globaux satisfaisants et la réelle qualité de l’accès aux soins
  • La qualité de services (infrastructures, équipements opérationnels, hôtellerie à niveau) et de prise en charge médicale et soignante est jugée très perfectible par les usagers (les malades, leurs familles et leurs accompagnants). En matière de qualité des soins, le fossé se creuse par ailleurs entre un secteur public voué à assister massivement les populations et un secteur privé plus ciblé et plus marchand ;

Une part du PIB actuellement consacrée à la santé qui reste relativement faible en Algérie (près de 6% en 2010), comparée aux pays du benchmark et aux standards internationaux (entre 7 et 10%) malgré les progrès récents accomplis.

Un système de santé où la complémentarité entre les secteurs public et privé n’est pas organisée.

Des industries de la santé et du médicament sans stratégie ni régulation suffisante, avec notamment une industrie du médicament encore majoritairement importatrice

  • Au-delà d’une volonté d’atteindre une production générique de masse, il n’y a pas de stratégie de développement à long terme du secteur qui soit partagée par les acteurs publics et privés.
  • Un grand nombre d’acteurs privés à chaque maillon de la chaine de distribution face à  une concentration croissante des acteurs publics (PCH): 300 laboratoires, 56 unités de productions locales, 65 importateurs, 150 grossistes répartiteurs, 8500 pharmacies, mais une PCH très centralisée. D’où une  dispersion dans le circuit privé des approvisionnements avec éclatement des moyens et peu d’économie d’échelle, un centralisme excessif dans le circuit public avec des dérives et des défauts de gestion.
  • Un cadre règlementaire, juridique et financier qui présente de nombreuses lacunes :
    • Incomplet pour les bio-médicaments, les dispositifs médicaux, les produits OTC et de parapharmacie,
    • Obsolète pour les mises aux normes et bonnes pratiques  face à l’évolution importante dans le monde des PBF (Bonnes Pratiques de Fabrication), des BPC (Bonnes Pratiques de Contrôle),  nécessité de créer des  BPD  (Bonnes Pratiques de distribution),
    • Insuffisant pour encore mieux encadrer les pratiques des nouveaux secteurs : cliniques, centres de radiologie/imagerie et d’analyses biomédicales (par exemple les Bonnes pratiques biomédicales en établissement de santé, les  BPM (Bonnes Pratiques Médicales), et les BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire).
  • Des dysfonctionnements majeurs et récurrents dans les circuits d’approvisionnement de produits et dans la maintenance des appareillages destinés aux malades,  mettant en évidence des carences de communication entre les acteurs, mais aussi en terme de gestion, de régulation et de contrôle.
  • Une carence en ressources humaines qualifiées et spécialisées (acheteurs, planificateurs industriels, suppliers, chefs de projets, gestionnaires et financiers, techniciens et ingénieurs, chercheurs, laborantins, pharmaciens industriels, contrôleurs et assurance qualité, …).

[1] Source : sources : MSPRH et ONS, [2] Sources : experts rencontrés, Pr J.P. Grangaud, IPEMED

Synthèse : Bilan à 2012

  • Le système de santé algérien doit s’adapter à deux transitions concommittantes : transition démographique et transition épidémiologique
  • Un Plan National Santé a été présenté en 2006, puis actualisé en 2008, afin de moderniser la santé et la rendre plus efficace . Cependant, ce plan n’a pas fait l’objet d’une évaluation factuelle et transparente des réalisations et des résultats obtenus à mi parcours.
  • Un accès inégal aux soins pour les citoyens, tributaires de leur positionnement géographique et de leurs moyens.
  • Une efficacité du système de santé qui demeure faible au vu de l’état sanitaire des Algériens par rapport à des pays à revenu comparable, malgré les moyens relativement importants qui ont été mobilisés notamment depuis une décennie.
  • Une part du PIB actuellement consacrée à la santé qui reste relativement faible en Algérie (près de 6% en 2010), comparée aux pays du benchmark et aux standards internationaux (entre 7 et 10%) malgré les progrès récents accomplis.
  • Un système de santé où la complémentarité entre les secteurs public et privé n’est pas organisée.
  • Des industries de la santé et du médicament sans stratégie ni régulation suffisante, avec notamment une industrie du médicament encore majoritairement importatrice

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