Vision et leviers de rupture

Vision 2020 : l’urgence d’un nouveau modèle économique

 

Syndrome du Titanic : l’urgence d’amorcer la diversification de l’économie

Dès le lancement des travaux d’Algérie 2020, nous avions utilisé l’image du Titanic, ce magnifique paquebot qui, malgré toute sa puissance, a sombré il y a exactement un siècle au contact d’un iceberg qu’il n’a pu éviter faute d’avoir entamé son virage à temps. Le navire avait amorcé son virage quelque dix minutes trop tard, et son inertie ne lui a pas permis de changer de direction suffisamment vite.

Cette image du Titanic nous permet de souligner la nature du virage que notre pays doit amorcer d’urgence. La perspective de cet iceberg, image de la fin de notre rente d’hydrocarbures, nous impose d’engager le pays dans un projet de développement qui soit suffisamment audacieux et ambitieux. Ceci pour rompre avec la trajectoire actuelle et mener, enfin, notre jeune navire de 50 ans à bon port. Réduire la dépendance aux hydrocarbures et diversifier l’économie prendront du temps. Certains pays ont mis des décennies pour y parvenir. Mais le résultat est une économie plus prospère, qui peut assoir sa politique sociale de redistribution de manière soutenable, sur la base de sa richesse réellement produite, de l’innovation de son économie et de sa productivité, et non sur la base d’une ressource épuisable.

L’impératif de prudence : tabler sur une baisse drastique des exportations d’hydrocarbures à 2030

L’urgence de la diversification est dictée par la perspective de la fin des exportations des hydrocarbures, dont l’échéance est incertaine. Dans l’hypothèse raisonnable que cette date fatidique se rapproche et qu’à l’horizon 2030 nous n’exportions plus que la moitié de nos exportations actuelles d’hydrocarbures, il est plus qu’urgent que l’effort colossal que requiert la diversification de l’économie soit entamé immédiatement. Ce processus sera long et incertain. L’optique d’un contre-choc pétrolier ou la perspective de la fin des exportations d’hydrocarbures qui se profileraient autour de 2025-2030[1], représentent des scénarios extrêmement inquiétants pour notre pays, sa stabilité et sa cohésion sociale. Au-delà de l’ambition de développement et de prospérité, ce réveil économique relève en fait d’un impératif de stabilité et de sécurité nationale.

En supposant que le déclin actuel de la production de pétrole et de gaz s’interrompe rapidement grâce aux investissements en cours, les prévisions de croissance de la consommation interne d’énergie nous mènent inexorablement vers une baisse des exportations soutenue à partir de 2015 (figure). De 2% de baisse par an en moyenne entre 2015 et 2020, cette baisse s’accélérera entre 2020 et 2025 (-4%) et entre 2025 et 2030 (-7%). Selon ces hypothèses raisonnables, et sans découverte majeure, il est probable que les exportations d’hydrocarbures en 2030 aient baissé de moitié par rapport à 2012. Des scénarios plus pessimistes sont aussi possibles. Quant aux scénarios optimistes, nous nous devons de les ignorer pour ne pas prendre le risque d’engager la nation sur une trajectoire incertaine.

Cette baisse des exportations d’hydrocarbures pourrait être due à l’absence de découverte majeure ou de développement rapide d’autres sources d’énergie (gaz de schiste, solaire, etc.), combinée à la poursuite de la croissance de la consommation interne, diminuant ainsi les quantités exportables. Elle pourrait aussi être due à une baisse des prix mondiaux, notamment du gaz, à un moment où les technologies d’extraction d’hydrocarbures non conventionnels à fait des Etats-Unis le premier producteur mondial de gaz et de pétrole, et où la baisse de la croissance mondiale pourrait réduire la demande. Cette perspective est probable. Une hypothèse plus pessimiste l’est aussi. Notre conviction est qu’il est irresponsable aujourd’hui de tabler sur une hypothèse optimiste. Cette dernière est aussi probable, mais, dans ce domaine, notre passé douloureux nous impose de construire l’avenir de notre pays sans espérer être chanceux. Si une évolution plus positive se profilait et que notre avenir énergétique s’éclaircissait à nouveau, les prochaines générations pourront en bénéficier mais en étant assis sur une base économique plus saine et moins dépendante de notre sous-sol.

                                                                                (i) Combine la production des gaz, de GNL, de PNL et de brut, net des volumes de gaz produits qui sont réinjectés dans les puits de pétrole, et net des pertes.
(ii) Gaz et pétrole, en se basant sur les hypothèses de croissance de la consommation interne de la CRAG, augmentées d’une estimation de la demande additionnelle d’énergie générée par la croissance industrielle

Où nous mènerait le statu quo ? L’iceberg en chiffres

Que se passera-t-il si rien n’est fait ? De simples projections sur la base du modèle économique actuel et de cette hypothèse prudente de l’évolution de notre secteur des hydrocarbures, et du maintien de la tendance actuelle des autres secteurs permettent d’entrevoir l’impasse économique dans laquelle nous nous trouvons depuis des années.

Pour maintenir le train de dépenses actuelles de l’Etat et de la part du budget d’investissement dans le budget de l’Etat (afin de maintenir un niveau élevé d’investissements publics, générateurs de croissance), le déficit budgétaire continuera à se creuser au fil des ans et finira par vider le Fonds de Régulation des Recettes avant 2020. Ce Fonds où sont venus s’accumuler les surplus budgétaires depuis sa mise en place en 2003, pour atteindre plus de 4000 milliards de DA fin 2012, constitue la réserve de l’Etat pour faire face aux années de « vaches maigres » et aux aléas des marchés pétroliers. En continuant à dépenser plus que ce qu’il ne collecte comme recettes fiscales, et sans changer de modèle économique ou de politique fiscale et budgétaire, l’Etat aura consommé toute cette « tirelire » dans 5 ou 6 ans. Après cela, les déficits budgétaires iront accroître la dette de l’Etat qui, de moins de 1400 milliards de DA en 2012 (9% du PIB), pourrait atteindre près de 3.000 milliards de DA en 2020 (16% du PIB), puis près de 25% du PIB à l’horizon 2030.

Quant aux réserves de change (près de $200 milliards fin 2012), elles commenceront à baisser à partir de 2016 quand la croissance non contenue des importations et la baisse des exportations d’hydrocarbures nous mèneront à des déficits commerciaux structurels. Ces réserves de change risquent de s’épuiser autour de 2024, ce qui nous obligera à nous endetter pour financer nos déficits commerciaux. La dette extérieure, que l’Etat a prudemment remboursée en quasi-totalité en 2005, pourrait alors atteindre plus de $150 milliards en 2027 et plus de $300 milliards autour de 2030 si les importations continuent à croitre. Cette tendance nous ramènerait ainsi à des niveaux de dette extérieure non soutenables, comparables à ceux atteints au début des années 1990 et qui nous ont forcés à l’époque d’entreprendre des ajustements très douloureux sur le plan social.

Sans un hypothétique renouveau de notre potentiel d’exportation d’hydrocarbures, cette perspective peu réjouissante est malheureusement probable si rien n’est fait. Une alternative à l’explosion de l’endettement de l’Etat serait bien entendu une baisse drastique des dépenses de l’Etat, un plan d’austérité coûteux, une dévaluation du dinar pour juguler les importations, et une baisse brutale des subventions énergétiques. Ce scénario désastreux pourrait devoir survenir à la fin des années 2020 (voir figure). Il peut être évité en amorçant rapidement le virage que doit prendre notre économie.

 

 

L’alternative, ou la vision 2020: l’ambition de la diversification et d’un nouveau modèle de croissance

A l’horizon 2020, l’Algérie aura entamé une trajectoire soutenue de croissance forte et diversifiée. Le budget de l’Etat sera moins dépendant des recettes pétrolières, les exportations hors-hydrocarbures ainsi que l’industrie seront en croissance. Un climat des investissements favorable, une fiscalité renouvelée et une politique industrielle volontariste rendront possible cette transformation économique. C’est l’ambition que l’on se donne. La stratégie économique proposée vise à la réaliser. Cette trajectoire économique et les projections qui la sous-tendent s’appuient sur les hypothèses et ambitions suivantes, qui sont représentées par les graphiques ci-dessous:

  • Le taux de croissance du secteur industriel, aujourd’hui autour de 5%, augmentera progressivement pour atteindre 7% à partir de 2015, puis à 9% à partir de 2020. Ces taux sont comparables à ceux des pays à forte croissance, dans leurs phases initiales d’industrialisation. La base industrielle de départ de l’économie algérienne étant faible, ces taux sont réalisables si les bonnes politiques sont mises en œuvre et l’environnement des affaires s’y prête.
  • Le taux de croissance des exportations hors-hydrocarbures (aujourd’hui d’environ 6% mais à un niveau très faible) augmenteront rapidement pour atteindre plus de 9% en 2015. Durant cette phase d’amorce de ces exportations, des taux de croissance élevés peuvent être envisagés étant donné les niveaux très faibles de départ. Le taux de croissance pourrait atteindre 15% à l’horizon 2020 puis retomber à 10% en 2030. Ces phases de très forte croissance des exportations sont souvent observées dans les pays qui entament leur transition. Ces taux n’amèneront nos exportations hors-hydrocarbures qu’à $8.2 milliards en 2030, ce qui ne représente qu’environ la moitié % des exportations tunisiennes en 2011 et environ 40% des exportations marocaines en 2012. Ces hypothèses sont donc relativement conservatrices. Par ailleurs, la croissance industrielle permettra davantage de substitution aux importations (dont les taux de croissance sont maintenus aux niveaux actuels, et de manière consistante avec la croissance de l’industrie, du PIB hors-hydrocarbures et du budget d’équipement de l’Etat). Des hypothèses très conservatrices des taux de substitution aux importations sont envisagées (ex. de 4% des biens d’équipement à 2020, et 11% de taux de substitution des importations des biens de consommation non alimentaires).
  • Le taux de croissance du PIB hors-hydrocarbures (aujourd’hui autour de 5% en moyenne), augmentera à 6% par an à partir de 2015, puis de 7.5% par an à partir de 2020, dopé par la croissance de l’industrie.
  • Du point de vue budgétaire, les niveaux actuels des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’équipement, en proportion du PIB hors-hydrocarbures, sont maintenus constants jusqu’en 2030, ce qui suppose que l’Etat Algérien continuerait à investir autant qu’au cours des années passées – une hypothèse nécessaire pour prétendre pouvoir financer l’ensemble des chantiers sectoriels proposés dans notre stratégie, tout en maintenant l’effort de développement des infrastructures.
  • Pour rendre cela possible, tout en réduisant le budget de l’Etat à la fiscalité pétrolière, une réforme fiscale majeure sera entamée. Elle permettra d’augmenter la part du budget de l’Etat financée par la fiscalité ordinaire de 27% en 2012, à 50% en 2020 et 80% en 2030. Ces recettes ordinaires couvriront 75% des dépenses de fonctionnement en 2020, et 100% en 2025.
  • Une grande réforme fiscale permettra de générer ces recettes. Décrite en détail dans la Chantier 2, elle visera à augmenter le taux de recouvrement de l’impôt et de la TVA à 9% du PIB hors hydrocarbures d’ici 2020, contre 6 à 7% aujourd’hui. L’introduction de la fiscalité locale et de nouveaux impôts généreront des recettes supplémentaires équivalentes à environ 4% du PIB hors-hydrocarbures d’ici 2020 et 6% à 2030. Cette réforme fiscale permettra d’augmenter le total des prélèvements, pour atteindre 18% du PIB hors-hydrocarbures en 2020, et 23% en 2030, contre 12% en 2012.

La vision économique à l’horizon 2020 : ambitions chiffrées

  • Augmentation du PIB hors-hydrocarbures de plus de 65% d’ici 2020 et doublement de ce dernier d’ici 2023, correspondant à un taux de croissance moyen hors-hydrocarbures de 6% par an à partir de 2015 et de 7.5% à partir de 2020.
  • Part des exportations hors-hydrocarbures proche de 4% en 2020, 9% en 2025 et 20% en 2030.
  • Part de l’industrie dans le PIB dépasse 6% en 2020 (contre 5% en 2012), 7% en 2025 et 8% en 2030, alors que les autres secteurs hors-hydrocarbures (services, commerce, agriculture, etc.) croissent de 6% par an à partir de 2015 puis de 7.3% par an à partir de 2020.
  • Un taux d’investissement privé qui atteint 20% du PIB en 2020 (contre moins de 10% en 2012).
  • Un taux de chômage de 8% en 2020 (15% pour les diplômés de moins de 30 ans) et un taux d’emploi qui atteint 60% (dont 40% de taux d’emploi des femmes).
  • Une densité des entreprises proche de la moyenne des pays émergents à forte croissance: 20 entreprises par 1000 habitants à l’horizon 2020.
  • Un climat des affaires de classe mondiale en 2020: parmi les 50 meilleurs mondiaux (classements internationaux).
  • Un budget de l’Etat dont la dépendance aux revenus des hydrocarbures est progressivement réduite: au maximum 50% du budget étant financé par la fiscalité pétrolière en 2020 et 20% en 2030 (contre 66% en 2012). A partir de 2020, 75% du budget de fonctionnement sera couvert par la fiscalité pétrolière (100% en 2025).
  • Les éventuels excédents de recettes provenant de la fiscalité pétrolière seront alloués pour un tiers à un nouveau Fonds Souverain pour l’Avenir, le reste étant versé au Fonds de Régulation des Recettes. Ce dernier sera axé, de manière égale, sur : (i) l’éducation, la recherche et le savoir scientifique ; et (ii) les générations futures, qui ne pourront accéder à leur part qu’à l’horizon 2050. Il sera aussi créé un Fonds Souverain International pour gérer de manière plus active et plus rentable de 10 à 20 pourcent des réserves de change. Ce Fonds pourrait, à terme, être utilisé pour stériliser une partie des recettes en devises de la Sonatrach.
  • Le Fonds Souverain pour l’Avenir aura accumulé près de 900 milliards de DA en 2020, et plus de 3.000 milliards de DA en 2030.[1]

L’ampleur du virage de la diversification économique: Hypothèses, ambitions et évolutions 2012-2030

 

Les leviers de rupture et chantiers structurants

 

Les contours d’une nouvelle stratégie économique globale

Que l’Algérie se trouve parmi les derniers du panel de quelque 15 pays comparateurs, dans tous les domaines relevant de la diversification économique et de l’environnement des affaires, n’est dû ni au hasard, ni à quelque caractéristique sociologique, historique ou géographique qui ferait de notre pays une exception. Cette mauvaise performance est le résultat d’un ensemble de politiques économiques menées depuis des décennies qui n’ont pas favorisé la croissance et la diversification.

 

Première contrainte structurelle : La rente des hydrocarbures, l’illusion qu’elle est intarissable, et son utilisation inefficace constituent un frein à la diversification économique au lieu d’en être le moteur.

Le manque d’ambition et de cohérence des politiques passées dans le domaine de la diversification est principalement dû au caractère rentier du secteur des hydrocarbures, et à l’illusion que cette rente est intarissable. Les réformes à mener pour qu’une économie pétrolière se diversifie sont considérables. Elles ont un coût, notamment pour ceux qui bénéficient de la redistribution de la rente et de positions privilégiées dans l’économie. En l’absence d’une contrainte forte – telle que la crise de la balance des paiements au début de la décennie 1990 – les pouvoirs publics et les responsables politiques ont très peu d’incitations à mener ces réformes et à s’engager dans une stratégie économique ambitieuse, similaire à ce dont avaient aspiré les autorités durant les années 1970. Tant que les revenus des hydrocarbures le permettent, redistribuer la rente et augmenter les investissements publics est une option beaucoup moins coûteuse politiquement que d’engager le pays dans une stratégie économique qui ne portera ses fruits que dans une décennie au moins. L’expérience de ces dernières années a montré que cette tendance est naturellement exacerbée quand les prix du baril de pétrole augmentent et que les pressions surgissent de toutes parts (différents corps de l’administration publique, secteurs économiques, emploi des jeunes, etc.) pour redistribuer davantage, même de façon très inefficace.

Les coûts de la rente des hydrocarbures pour notre économie sont multiples :

  • Dépendance excessive de la politique budgétaire aux recettes d’hydrocarbures, volatilité et incertitude de la politique économique.
  • Phénomène du « syndrome hollandais » où, sous l’effet de recettes d’exportation provenant des ressources naturelles, les coûts des facteurs sont artificiellement élevés (foncier, salaires, etc.), sans que la productivité dans les secteurs hors-hydrocarbures n’augmente. Le taux de change réel est surévalué.
  • Peu de discipline budgétaire ou d’incitations à interrompre des soutiens inefficaces (ex. toutes les interventions de l’Etat, les soutiens aux entreprises publiques, les subventions implicites, absence de discipline de marché sur les entreprises/banques publiques, etc.) ou des transferts sociaux non ciblés dont une grande partie est dirigée vers les ménages qui ne devraient pas en bénéficier.
  • Peu de regard sur l’efficacité des dépenses publiques ou d’évaluation d’impact des politiques publiques (ex. absence d’arbitrages dans les décisions d’investissement public).
  • La diversification de l’économie est repoussée, notamment lorsque les recettes en hydrocarbures augmentent: la diversification est un agenda de long terme, alors que les réformes qui sont à réaliser dans le court-terme pour engendrer une dynamique de diversification sont coûteuses politiquement et impopulaires pour certaines.
  • Un secteur privé, qui demeure en partie rentier ou dépendant de la commande publique ou des avantages octroyés par l’Etat. Peu d’incitations à l’innovation et à la concurrence. Peu de demande effective du secteur privé pour de vraies réformes. En fait, les soutiens au statu quo sont institutionnalisés et les principaux acteurs organisés ne sont pas favorables à une stratégie qui remettrait en cause leurs privilèges (patronat, banques et entreprises publiques, administration, syndicats, etc.).

Comment sortir de ce cercle vicieux où davantage de revenus favorise des politiques peu favorables à la diversification et renforcent cette dépendance ? Comment engager progressivement l’Etat dans une voie qui coupe le cordon avec la rente, sans devoir attendre que l’on subisse un contre-choc pétrolier semblable à celui de 1985[1] et, n’ayant plus le choix, nous oblige à adopter des mesures extrêmement coûteuses imposées par une situation de crise ? Comment transformer cette rente en un atout pour l’avenir au lieu de pâtir des politiques économiques inefficaces et clientélistes qu’elle encourage ?

Pour sortir de cette dépendance néfaste, il faut couper de manière crédible et irréversible cet accès à la rente des hydrocarbures et réorienter la rente vers des investissements d’avenir. Ceci est le premier levier de rupture que nous proposons. Il s’agit de contraindre l’Etat, progressivement, mais de manière irréversible, à moins compter sur les recettes pétrolières pour financer ses dépenses. Sans attendre de choc ou de tendance qui nous imposera de mener des politiques coûteuses sous contrainte, l’objectif est de se forcer à progressivement  couper ce cordon qui nous coûte tant en termes de mauvais choix économiques. Cette rupture fondamentale va au-delà d’une simple mesure de politique économique. Il s’agit de transformer la relation de l’Etat à la rente des hydrocarbures, de le préserver de ses effets néfastes tout en la réorientant vers des investissements d’avenir. Il s’agit aussi de protéger une richesse nationale qui appartient à tous les Algériens et aux générations futures qui ne seront probablement pas dotés d’un sous-sol aussi riche que le nôtre. Cette rupture dans la gestion de la rente devrait aussi contribuer à la sauvegarde d’une richesse garante de notre stabilité et notre souveraineté.

Il s’agit, d’une part, de limiter l’utilisation de la rente par l’Etat, en l’engageant de manière crédible et irréversible à plafonner la part de son budget qui est financée par la rente pétrolière et gazière. D’autre part, allouer les éventuels excédents générés par cette politique, à un fonds de développement pour l’avenir (Fonds Souverain pour l’Avenir, chantier 1). Afin de rendre cela possible, une réforme fiscale majeure doit être entreprise pour étendre la fiscalité non-pétrolière (chantier 2). Aussi, une stratégie de maitrise de la demande énergétique doit aussi être mise en place pour retarder le déclin de nos exportations d’hydrocarbures et préserver l’environnement (chantier 3). Enfin, une réforme budgétaire axée sur le ciblage des transferts sociaux et la mise en place de transferts monétaires directs aux plus démunis, notamment pour les compenser de l’augmentation des prix de l’énergie que prévoit le chantier 3, sera mise en place (chantier 4). Ces quatre chantiers constituent l’essence du premier levier de rupture de la stratégie économique proposée.

Afin de rendre possible cette fin de la dépendance budgétaire à la rente pétrolière, elle doit naturellement être pensée dans un contexte de nouvelle croissance diversifiée, que rendra possible les second et troisième leviers de rupture qui proposent une nouvelle politique économique, ambitieuse et cohérente.

Deuxième contrainte structurelle : Conséquence de la rente : un environnement économique peu favorable à l’entreprise, et qui  décourage l’investissement et la diversification.

L’absence d’ambition de diversification économique s’est traduite par un ensemble de politiques économiques et de mesures qui freinent toute dynamique de diversification et renforcent le statu quo. Les déficiences dans l‘environnement économique des entreprises sont multiples et les benchmarks internationaux ainsi que les constats documentés aux cours des années en attestent :

  • Un cadre réglementaire décourageant l’initiative, imprévisible, incohérent et arbitraire dans son application. Une administration et des institutions inefficientes et hostiles à l’initiative privée. Instabilité institutionnelle (ex. rôles et poids d’institutions telles que l’ANDI, l’ANIREF, les CALPIREF, etc.).
  • Un développement du secteur bancaire et financier très en retard par rapport aux pays à niveau de développement comparable.
  • Un marché du foncier industriel caractérisé par une situation de pénurie artificielle et une gestion administrative d’allocation du foncier coexistant avec un marché privé spéculatif.
  • Une partie du secteur informel (marchés de gros, entreprises opérant dans la quasi-informalité) qui représente de la concurrence déloyale et décourage l’investissement et la légalité.
  • Une faible intégration des marchés des biens et du travail, faible développement de la distribution.

Mettre en place un environnement de l’entreprise et de l’investisseur qui soit des plus attractifs représente le second levier de rupture. Il s’agira de : (i) mettre en place un environnement des affaires de classe mondiale (chantier 5); (ii) de mettre en place un plan d’urgence de réforme du secteur financier pour rattraper le retard accumulé dans ce domaine (chantier 6); (iii) et de réformer en profondeur le mode de gestion et de régulation du marché du foncier industriel et économique (chantier 7).

 

Troisième contrainte structurelle : L’absence d’une politique de diversification cohérente et volontariste et un arsenal de mécanismes d’appui aux entreprises qui est déficient.

  • L’absence de visibilité, de cohérence et de ligne directrice de la politique économique : navigation « à vue » de la politique économique par des Lois de Finances et Loi de Finances Complémentaires, revirements multiples, annonces et processus peu crédibles (adhésion à l’OMC, politique envers les investissements étrangers, etc.), incohérence des ambitions économiques et de la politique commerciale.
  • Absence de politiques sectorielles effectivement mises en œuvre (sauf dans l’agriculture) et formant une politique industrielle cohérente (inclus politique d’exportation et de soutien aux petites entreprises).
  • Des instruments d’appui aux entreprises inefficaces, gérés de manière administrative, sans obligation de résultat ni de transparence dans l’attribution des aides (ex. mise à niveau, ALGEX, CAGEX, fonds de garanties, pépinières d’entreprises, soutiens à l’innovation, soutiens à l’emploi des jeunes, ANSEJ, etc.)

Mettre en place une stratégie économique cohérente de diversification, qui soit volontariste et basée sur des instruments de soutien aux entreprises efficaces et transparents constitue le troisième levier de rupture. Il s’agira de : (i) développer une Nouvelle Politique Industrielle cohérente, qui repose sur des instruments de soutien aux secteurs qui soient en ligne avec les meilleures pratiques en termes d’intervention de l’Etat et de subventions (chantier 8) ; (ii) de mettre en place des mécanismes efficaces et transparents de soutien aux exportateurs et un plan national de facilitation du commerce (chantier 9) ; et, (iii) d’adopter une politique commerciale et une stratégie d’intégration à l’économie mondiale qui soit cohérente avec la nouvelle politique industrielle (chantier 10).

 

Quatrième contrainte structurelle : Des politiques de l’emploi déficientes et une approche répressive du phénomène de l’informel.

Autre conséquence des politiques économiques déficientes : le chômage des jeunes, diplômés en particulier, et l’explosion de l’emploi informel. En sus d’une politique économique cohérente qui génère de la croissance, il s’agira – c’est le quatrième levier de rupture – de revoir les politiques actuelles en matière d’emploi et du traitement du phénomène de l’informel. Les déficiences sont multiples :

  • Pas de politique de l’emploi qui intègre des dimensions complémentaires : formation, réinsertion, matching de l’offre et de la demande, fiscalité, etc. Des politiques de soutien à l’emploi et à l’entreprenariat déficientes et loin des pratiques les plus éprouvées au niveau international.
  • Un marché du travail ne favorisant pas l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi formel : flexibilité du contrat de travail insuffisante pour les jeunes entrants sur le marché du travail, intermédiation et agences d’emploi inefficaces.
  • Une approche essentiellement répressive face aux activités informelles/extra-légales, que ce soit pour l’emploi informel, le commerce informel ou les entreprises formelles opérant dans l’informalité. Pas de politique favorisant la légalisation du travail informel, pas de politique dédiée à l’économie sociale, retards majeurs dans le développement de la micro finance et inefficacité de la lutte contre le « gros informel », notamment les canaux informels de grande distribution.
  • Une nouvelle approche en termes d’emploi et d’informel est nécessaire.

Il s’agira : (i) de réformer les politiques du marché du travail pour encourager l’emploi formel et l’insertion des jeunes. Les contrats à durée déterminée seront réformés pour offrir une réelle flexibilité ainsi qu’une réelle sécurité aux employés, en leur ouvrant les droits à l’assurance chômage (chantier 11) ; et, (ii) de d’adopter une nouvelle approche en termes d’incitations à la formalisation de l’emploi et des microentreprises, en rupture avec l’approche essentiellement répressive adoptée jusque-là. Les instruments légaux, fiscaux et financiers de soutien à la formalisation et au développement des microentreprises formelles seront revus en profondeur. Une approche segmentée du secteur informel sera mise en œuvre, mêlant incitations et application de la loi de façons différentes selon la cible et les objectifs visés (chantier 12).

 

Cinquième contrainte structurelle : Des institutions de conduite des politiques économiques et une gouvernance économique déficientes.

Les échecs des politiques passées (stratégie industrielle, entreprises publiques, politiques de soutien aux PME, secteur financier public) ne sont pas nécessairement dus à des choix d’instruments erronés (certains de ces instruments et interventions de l’Etat ont fonctionné ailleurs). Ils sont dus à une mauvaise gouvernance des interventions de l’Etat. Une rupture de fond est à opérer dans la manière dont intervient ce dernier.

La refonte de la gouvernance économique est un impératif pour mettre en place et mener une politique économique ambitieuse. Les déficiences à corriger dans ce domaine sont patentes et très profondes :

  • Absence d’analyse économique, de culture d’évaluation des politiques publiques, et d’informations statistiques pour préparer les décisions économiques et en suivre la mise en œuvre (pas d’analyse indépendante, pas de liberté de mener des enquêtes terrain, faible poids de l’ONS dans le paysage institutionnel, etc.).
  • Absence de coordination ou de cohérence dans les politiques des ministères « économiques» (ex. Ministère du Commerce qui négocie l’entrée à l’OMC en l’absence de toute réflexion sur le lien entre la politique commerciale et la politique économique).
  • Une gestion des actifs publics opaque et obsolète (entreprises, banques, foncier, etc.).
  • Absence de concertation avec les opérateurs privés et faible implication de ceux-ci dans la préparation des politiques économiques, leur mise en œuvre et leur évaluation.
  • Manque de transparence: décisions, mise en œuvre, efficacité des politiques, secteur public économique, statistiques, etc.
  • Faible capacité des administrations économiques : Ministères de l’industrie, du commerce, directions régionales. Excès de centralisation dans la conduite des politiques économiques, et excès de pouvoir de veto sur les projets d’investissement par les Walis (allocation des assiettes foncières) ou le Conseil National des Investissements.
  • Institutions de régulation déficientes et loin des meilleures pratiques internationales (concurrence, régulation sectorielle, justice, etc.).

Que ce soit la manière dont l’Etat joue ses rôles d’actionnaire et de régulateur  (chantier 13) ; du peu de consultation ou d’implication du secteur privé dans la définition des politiques économiques, leur évaluation ou leur ajustement (chantier 14) ou dans l’organisation de l’exécutif économique ou des agences en charge de mettre en œuvre les interventions de l’Etat (chantier 15), l’architecture de la conduite de la politique économique doit être entièrement revue.

 

Au total, cinq ruptures fondamentales par rapport aux politiques menées ces dernières décennies sont nécessaires comme leviers pour réaliser la vision économique d’Algérie 2020. Il s’agit d’agir, de manière coordonnée et cohérente, sur les déficiences structurelles qui ont été à la source de l’échec de diversification de notre économie. Cette stratégie économique globale, se basant sur l’identification de cinq grandes déficiences structurelles qui empêchent la diversification de l’économie, des cinq leviers de rupture et des quinze chantiers de rupture correspondants peut être synthétisée de la manière suivante :

 



Ces 15 chantiers donnent une idée de la tâche à mener. La réduire à moins que cela signifierait probablement un nouvel échec de la diversification de notre économie et des lendemains incertains. Notre pays dispose d’un formidable potentiel économique et est doté d’atouts pour réussir : capital humain, infrastructures, ressources naturelles, positionnement stratégique et surtout un réservoir d’idées et d’ambitions qui n’attendent que le cadre idoine pour pouvoir se réaliser. Ce qui lui a trop longtemps manqué, c’est une vision, de l’audace et de la volonté pour entamer un Projet global et cohérent. C’est ce que nous proposons, avec espoir et réalisme.

 

Ce qui n’est pas couvert : stratégies sectorielles, chantiers complémentaires et politique de l’offre énergétique

 L’objet de cet ensemble cohérent de chantiers est d’agir de manière coordonnée pour prendre les plus importants « virages » par rapport aux politiques passées. Il s’agit de défaire les principaux nœuds et de résoudre les contraintes fondamentales qui empêchent l’économie algérienne de croître et de se diversifier. Il ne s’agit pas d’établir un plan d’actions exhaustif couvrant tous les aspects de la vie économique. Les sujets et thèmes omis l’ont été pour plusieurs raisons : certains, comme la formation, la mise à niveau de l’administration ou les moyens à mettre en œuvre sont considérés comme des préalables et des compléments nécessaires, et sont couverts par ailleurs dans le thème V de ce rapport, portant sur la Gouvernance de l’Etat et des institutions. D’autres, comme les stratégies sectorielles ou l’infrastructure, relèvent de sujets que nous ne pouvions couvrir dans le cadre de ce rapport, faute de compétences spécifiques et par nécessité de se concentrer sur les chantiers les plus structurants. Certains, comme les infrastructures ou l’agriculture pourront être couverts par des travaux futurs de NABNI. Enfin, l’énergie – l’offre énergétique plus précisément – fera l’objet d’un approfondissement séparé, mais le sujet a été omis volontairement (mis à part les aspects de maitrise de la demande énergétique) car notre approche privilégie explicitement l‘hypothèse du déclin de nos exportations à l’horizon 2030. Ce choix de prudence, de réalisme et surtout d’astreinte à penser de manière ambitieuse et volontariste le décollage de la diversification économique, mérite néanmoins une explication.

 

1) Pourquoi n’avoir pas inclus la politique de l’offre énergétique ?

La politique énergétique est abordée sous l’angle de la demande. Le chantier 3 porte sur des mesures ambitieuses pour contenir la croissance interne de la consommation énergétique. La politique publique peut avoir un effet direct sur la demande, indépendamment du mix énergétique que pourra produire le pays et de l’évolution du marché mondial des hydrocarbures. S’agissant de l’offre d’énergie, il s’agit d’un mélange de questions très techniques (les taux de récupération des gisements actuels peuvent-ils être améliorés par des investissements dans des technologies nouvelles ou mieux adaptées ? quels choix d’investissement pour Sonatrach ? doit-on investir dans l’extraction de gaz et d’huiles non conventionnels ? quid des investissements dans les énergies renouvelables – solaire en particulier ? etc.), de questions politiques (quelle politique vis-à-vis des opérateurs étrangers ? quelle intensité d’extraction – ou quels arbitrages entre production de court-terme ou de long-terme ? etc.) et de questions de gouvernance du secteur (quels acteurs dans le renouvelable ? quels paris industriels dans le solaire ? quelle stratégie d’expansion à l’international ? quels arbitrages en termes d’infrastructures d’exportation (GNL ou pipeline) ? quels arbitrages entre exportation et consommation interne ?). Nous ne prétendons répondre à toutes ces questions. Certaines feront l’objet de contributions et débats futurs. L’approche adoptée en matière de politique économique doit néanmoins  être indépendante de la politique de l’offre énergétique,[1] car les résultats de cette dernière, quelque soit la pertinence des choix, resteront tributaires de paramètres qui échappent à l’Algérie (prix, technologies, demande, découvertes, etc.). C’est tout l’objet de la nouvelle politique économique que nous prônons de ne plus dépendre autant de développements que nous ne contrôlons pas.

Penser la stratégie économique sans espérer de scénario optimiste sur notre avenir énergétique

Les débats actuels sur d’éventuelles découvertes supplémentaires en énergies fossiles conventionnelles, d’augmentation des taux de récupération des gisements existants, de l’exploitation de gaz non conventionnel (gaz de schiste et tight gaz) ou de développement d’énergies alternatives (solaire, nucléaire) sont souvent porteurs d’illusions dangereuses. Ces débats laissent planer l’espoir que la fin de la rente est plus lointaine, que nous pouvons continuer à compter sur la fiscalité pétrolière pendant encore des décennies pour asseoir notre développement économique et social. Cet espoir est dangereux car il nous incite à retarder l’amorce du virage de la diversification. Ce virage va durer au moins deux décennies. Pour que ce dernier réussisse, des efforts majeurs doivent être entrepris, des rentes et des avantages doivent disparaitre, des sacrifices doivent être partagés. La tentation est grande de retarder tous ces efforts en maintenant l’illusion d’une rente qui va se renouveler encore des décennies – d’un iceberg qui ne serait pas si proche.  Le paradoxe est que cette rente pourrait dès maintenant nous aider à limiter le coût des réformes pour la plupart et de réussir cette transition.  Ca ne sera plus le cas dans quelques années quand cette rente se tarira et que le coût du « virage » et des réformes sera bien plus important et ne pourra pas être absorbé par l’aisance financière qu’offre la rente. Nous faisons face aujourd’hui à une fenêtre d’opportunité unique pour réaliser ce tournant dans notre modèle économique, à moindre coût.

A l’inverse, notre vision économique à l’horizon 2020 s’appuie sur l’hypothèse que les exportations d’hydrocarbures baisseront progressivement au cours des prochaines années, pour atteindre, en 2030, la moitié de leur valeur de 2012. Ceci se base sur la projection que la consommation intérieure d’énergie par les ménages et par une industrie en croissance absorbera plus de la moitié de notre production de pétrole et de gaz et qu’aucune découverte majeure de nouvelles réserves n’aura été faite.[2] Il ne s’agit pas de pessimisme mais de prudence. Il en va de notre stabilité et de notre avenir. Le tragique retournement du marché pétrolier de 1985 n’avait été anticipé par personne, et l’optimisme ambiant au début de la décennie 1980 concernant des prix du baril de pétrole que beaucoup croyaient fixés pour longtemps à des niveaux élevés ressemble dangereusement à l’optimisme actuel et l’illusion d’une rente inépuisable. Ce passé douloureux nous impose la prudence et l’urgence d’entamer cette transition vers l’après-pétrole. C’est une des raisons principales pour laquelle nous avons choisi de ne pas traiter ces questions de politique d’offre énergétique. Si notre avenir énergétique – gazier en particulier – s’éclaircissait à nouveau, ces recettes supplémentaires seront investies dans des projets d’avenir, notamment dans le capital humain et le développement du savoir scientifique. Mais nous devons construire notre économie sans compter sur ce scénario optimiste.

 

2) Stratégies de filière, politiques sectorielles et agriculture :

La Nouvelle Politique Industrielle que nous prônons se base sur une nouvelle approche unifiée des interventions de l’Etat. Comment se traduira cette politique dans les différentes filières (automobile, électronique, pétrochimie, pharmacie, mécanique, tourisme, TIC et services à haute valeur ajoutée, agroalimentaire, etc.) requiert des analyses sectorielles fines que notre initiative ne prétend pas pouvoir mener. L’approche de préparer ces stratégies sectorielles de concert avec les filières concernées est privilégiée. Mais ce rapport n’inclura pas de mesures spécifiques à chaque filière. Des rapports spécifiques seront préparés suite à la publication du rapport Algérie 2020. Ils porteront en particulier sur les industries du médicament (et de la santé de manière générale), l’énergie, le tourisme et, éventuellement, les TIC.

Le secteur de l’agriculture n’a également pas pu être couvert étant donné la complexité des sujets qu’il couvre : propriété foncière, eau, développement rural, accès au crédit agricole, etc. Sans une expertise pointue sur le sujet, qui connaisse notamment les développements récents en termes de politique agricole, de politique foncière et du programme national du développement rural, un sujet d’une telle importance ne pouvait pas être couvert de manière superficielle.

 

3) Les infrastructures :

L’aisance financière de ces dernières années a permis de rattraper une grande partie du retard accumule dans ce domaine. Le niveau des investissements publics de cette dernière décennie dans les transports (autoroutes, rail, métro d’Alger, tramway, etc.), l’eau (stations de dessalement, barrages, etc.), la génération d’énergie, les raccordements de gaz et d’autres infrastructures, a été plus important que les niveaux d’investissement public cumulés durant les quatre premières décennies de l’indépendance.

Ces réalisations et l’aisance des finances publiques ont néanmoins permis d’éviter de traiter de nombreuses questions stratégiques et des faiblesses structurelles dans ce secteur. Efficacité des investissements, capacité de réalisation, soutenabilité et maintenance, financement exclusivement public, tarification, régulation des infrastructures, corruption dans la gestion des gros contrats, partenariats public-privé quasiment absents, etc. Certaines de ces questions, que nous n’avons pas pu traiter dans le cadre de ce rapport, seront traitées ultérieurement dans le cadre d’une publication du groupe Nabni portant sur les infrastructures.

 

4) Préalables et chantiers complémentaires : les ressources humaines et le renforcement des administrations économiques.

Les chantiers proposés dans ce chapitre portent uniquement sur les ruptures d’approche à opérer pour entamer le virage de la diversification. En complément et en parallèle de cette politique économique, le fonctionnement des administrations économiques devra être renforcé (douanes, impôts, agences, inspections, administrations du commerce, directions centrales et de Wilaya, etc.). Il s’agira en particulier de moderniser le fonctionnement de ces administrations, d’y généraliser l’utilisation des TIC (services en ligne, intranet, sites internet modernes), et de revoir la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, rémunération, progression de carrières, incitations et exigence d’évaluation annuelle et de performance). La sélection des fonctionnaires dans l’administration économique se fera selon des critères similaires au secteur privé avec la volonté d’attirer des cadres de haut niveau, et de créer des passerelles en carrières publiques et privées.



[1] Mis à part le fait qu’il faille assurer une articulation et une cohérence entre le mix de l’offre énergétique et certains choix de développements sectoriels, en particulier dans les transports, l’habitat ou la pétrochimie.

[2] Nos projections macroéconomiques sont en outre basées sur l’hypothèse d’un prix du baril qui se maintiendrait aux environ de $100 US (prix de 2012) et que la production totale d’hydrocarbures (gaz, pétrole, GNL, etc.) reste à peu près constante (alors qu’elle a décru depuis maintenant 6 années de suite). L’idée est que les investissements consentis ces dernières années devraient porter leurs fruits pour stabiliser la production sur le moyen terme. Une hypothèse plus pessimiste serait que le prix du baril baisse (hypothèse d’un enlisement de la crise et de la faible croissance en Europe ou d’un ralentissement de la croissance chinoise), ou que les volumes de production baissent du fait de découvertes trop faibles pour remplacer les puits existants. Un scénario plus optimiste, mais sur lequel nous ne devons pas compter, serait que les taux de récupération des gisements actuels augmentent et que des découvertes importantes de gaz ou de pétrole se confirment et augmentent la production avant 2020 sans que les prix ne baissent.

[1] ou que notre consommation intérieure d’énergie réduise drastiquement nos exportations d’hydrocarbures, ce qui est une tendance inéluctable, à moins de découvertes majeures, mais qui se fera progressivement.



[1] Tous les montants sont exprimés en valeurs constantes de 2012 et sont donc nets d’inflation ou de variations de taux de change.

 


[1] si aucune découverte majeure ne se réalise avant cela.

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